25 mars 2012
La corruption menace la paix au Burundi
Après avoir mis fin à 13 ans de guerre civile, le Burundi ne semble pas complètement apaisé. Une ONG pointe un fléau qui menace la stabilité du pays : la corruption. International Crisis Group (ICG), affirme que "la crise de corruption que connait actuellement le Burundi met en péril la consolidation de la paix". Selon Crisis Group, le dispositif "tolérance zéro" contre la corruption, lancé par le président Nkurunziza, manque d'indépendance et d'efficacité.Depuis la réélection en 2010 du président Pierre Nkurunziza dans un climat de tension extrême, certains craignent la reprise des violences et la fin du consensus sur le fragile partage des pouvoirs au Burundi. Dans un récent rapport, International Crisis Group dénonce une montée de la corruption dans le pays. L'ONG estime que "la crise de corruption que connait actuellement le Burundi met en péril la consolidation de la paix fondée sur un Etat moteur du développement et la relance de l’activité économique par l’investissement étranger".
Dans un rapport extrêmement complet sur la situation au Burundi, Crisis Group revient sur l'histoire de ce petit pays, souvent oublié du "grand jeu" de l'Afrique centrale, évoluant dans l'ombre de son turbulent voisin, le Rwanda. Crisis Group rappelle que depuis 1966, "le contrôle de l’Etat et de ses prébendes, essentiellement aux mains des élites tutsi, a été l’enjeu central de la politique burundaise et la distribution inéquitable des ressources qui en découlait a été à l’origine du conflit". En 1972, 1988, 1993 et entre 1994 et 1996, plus de 300 000 burundais ont trouvé la mort dans une guerre civile implacable entre la minorité tutsi au pouvoir et la majorité hutu. La guerre fini par s'achever au prix d'un subtil partage du pouvoir et laisse un pays exsangue, endetté et ruiné. Le Burundi fait partie de l'un des cinq pays les plus pauvres du monde.
En 2005, le hutu Pierre Nkurunziza arrive au pouvoir, notamment au prix de nombreuses négociations avec les extrémistes de son propre camp. Dans son rapport, Crisis Group note que "l’avènement au pouvoir de l’ancienne rébellion du (CNDD-FDD) n’a pas seulement transféré le pouvoir politique des Tutsi aux Hutu mais il a aussi semblé ouvrir une nouvelle ère en matière de gouvernance avec l’engagement des nouvelles autorités et la création d’institutions spécialisées pour lutter contre la corruption". Mais pour Crisis Group, il y a urgence à lutter efficacement contre la corruption, car "dans une économie aussi réduite que celle du Burundi où l’Etat joue encore un rôle majeur, l’accaparement des ressources publiques et privées risque de faire dérailler le scénario de consolidation de la paix".
L'ONG note "une dégradation de l'image du Burundi" malgré la campagne de "tolérance zéro" du gouvernement contre la corruption et les malversations économiques. Une campagne que "s’est estompée face aux premiers scandales impliquant de hauts responsables du parti présidentiel et de l’exécutif". En cinq ans d’activités (entre 2007 et2012), la brigade anti-corruption a géré 665 dossiers de
corruption et recouvré plus de 4 millions de dollars. Mais Crisis Group note que les affaires transmises au parquet "n’ont le plus souvent pas connu de suite", alors que "les arrestations sont rares et les poursuites le sont plus encore".
Pour lutter contre la corruption, Crisis Group n'attend plus des paroles, mais des actes de la part des autorités burundaises. L'ONG formule dans son rapport un certain nombre de recommandations "en vue de créer les conditions d’une lutte efficace contre la corruption" et demande à la société civile et aux bailleurs "de créer les conditions de sa mise en œuvre effective".
Dans un communiqué, le gouvernement burundais dénonce un rapport "négatif " et "tendancieux" et estime que Crisis Group "ignore complètement toutes les initiatives déjà prises par le gouvernement en matière de lutte contre la corruption". Bujumbura accuse même l'ONG de "rouler" et de "travailler" pour l'opposition burundaise.
L'intégralité du rapport d'International Crisis Group et de ses recommandations sont consultables ICI.
Christophe RIGAUD
23:17 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (1)
21 mars 2012
RDC : Un professeur sanctionné après une émission de RFI
Alphonse Maindo devrait se souvenir de son intervention sur RFI, le 23 février 2012. Ce professeur en Sciences politiques de l'université de Kisangani participait à l'émission "7 milliards de voisins" d'Emmanuelle Bastide. Le thème : "universités en RDC : pourquoi tant de faillite ?". Visiblement les propos d'Alphonse Maindo ont fortement déplu au ministère de l'Enseignement supérieur. Conséquence : le professeur s'est vu limoger de la cellule d'appui et d'accompagnement de la réforme de l'enseignement supérieur à laquelle il était associé. Alphonse Maindo dénonce une "sanction politique".Le 23 février dernier, Alphonse Maindo témoignait sur RFI dans l'émission d'Emmanuelle Bastide, "7 milliards de voisins" sur les problèmes que traversent l'université en République démocratique du Congo (RDC). Dans cette émission, ce professeur de l'université de Kisangani faisait un constat amer de l'état de l'enseignement supérieur en RDC : problèmes d'infrastructures, qualité de l'enseignement, insuffisance des profs dont la moyenne d'âge est de 65 ans, universités sans personnels, surpeuplement des classes…
Quelques jours après la diffusion de l'émission, Alphonse Maindo apprend "par des amis", "de source informelle" qu'il est "limogé de la cellule d'appui et d'accompagnement de la réforme de l'enseignement supérieur et universitaire" à laquelle il participait. On lui reproche "de ne pas avoir défendu le bilan positif du gouvernement dans le secteur de l’enseignement supérieur et d'avoir ainsi trahi (son) pays et (son) université". Contacté par Afrikarabia, Alphonse Maindo ne regrette pas du tout sa participation à l'émission. "Si je devais la refaire, ce serait sans hésiter. Il faut sensibiliser l’opinion sur les maux de l’université pour que chacun prenne conscience et se mobilise pour y remédier" nous a-t-il précisé.
Ce professeur en Sciences politiques renommé estime que cette sanction "a tout l'air d'être politique, mais je ne me laisserai pas intimider". Pour l'instant, Alphonse Maindo a envoyé un courrier de mise au point à son ministre de tutelle… sans réponse. A noter que Léonard Machako Mamba, Ministre de l'Enseignement Supérieur de la République Démocratique du Congo participait également à l'émission de RFI...
Christophe RIGAUD
Vous pouvez réécouter l'émission "7 milliards de voisins" ICI.
NB : Alphonse Maindo s'était exprimé sur les élections en RDC sur notre site en janvier 2012. Vous pouvez relire son interview ICI.
Photo : Alphonse Maindo à Paris en 2011. © www.afrikarabia.com
23:31 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (10)
20 mars 2012
RDC : Un rapport de l'ONU détaille les violences électorales de 2011
Une longue enquête du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies révèle les nombreuses violences pendant les élections présidentielles et législatives de 2011 en République démocratique du Congo (RDC). Les forces de sécurités congolaises sont accusées "de meurtres, de disparitions et de détention arbitraires". L'ONU demande "que les auteurs soient traduits en justice".Le rapport des Nations Unies publié ce mardi dénonce les violations graves des droits de l'homme pendant les élections de 2011 en RDC. Le document recense "le meurtre d'au moins 33 personnes par les forces de sécurité à Kinshasa, entre le 26 novembre et le 25 décembre 2011. Les enquêtes ont montré qu'au moins 83 personnes ont été blessées, la plupart par balle, et au moins 16 personnes sont toujours portées disparues. Plus de 265 personnes ont été arrêtées et la majorité d'entre elles aurait été maintenue en détention arbitraire dans différents centres de détention à Kinshasa. Il y avait aussi des témoignages concordants et corroborés de torture lors de détentions".
Le processus électoral s'est déroulé dans une atmosphère particulièrement tendu en RDC. La réélection de Joseph Kabila est fortement contestée par l'opposition qui dénonce de nombreuses irrégularités pendant le scrutin et soupçonne le pouvoir en place de fraudes massives. Les manifestations ont toutes été violemment réprimées par les forces de sécurité congolaises.
L'ONU explique dans son enquête que "la Garde républicaine, la Police nationale congolaise, en particulier des agents de la Légion nationale d'intervention et des agents du Groupe mobile d'intervention, ou l'Agence nationale de renseignements (ANR)", sont toutes "impliquées" dans les violences.
Le rapport estime que les violations "furent perpétrées sur des personnes à cause de leur appartenance réelle ou présumée au parti d'opposition d'Etienne Tshisekedi, principal adversaire à l'élection présidentielle du Président Joseph Kabila candidat à sa réélection, ou à une des provinces dans lesquelles il bénéficie d'un soutien important". La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a « reçu plusieurs comptes rendus décrivant la Garde républicaine tirant à balles réelles sur les foules, et d'individus détenus arbitrairement soumis à la torture ». Selon l'ONU, « les autorités doivent s'assurer que des enquêtes soient menées sur ces violations graves des droits de l'homme, que les auteurs soient traduits en justice, et que ceux qui sont encore détenus illégalement soient libérés sans délai ».
Une enquête judiciaire ouverte en décembre
Le représentant de la MONUSCO (la mission des casques bleus au Congo), Roger Meece « attend avec impatience le résultat de l'enquête judiciaire et (la MONUSCO) se tient prête à continuer à aider et soutenir les autorités judiciaires de la RDC pour identifier et traduire les coupables en justice». « Les poursuites et les procès récents entrepris avec l'appui de la MONUSCO à travers le pays, ont conduit à l'arrestation d'un nombre significatif d'auteurs de violations des droits de l'homme », a précisé Roger Meece.
Sur Radio Okapi, le ministre congolais de la Justice et Droits humains, Luzolo Bambi Lesa a qualifié le rapport de l'ONU de « gratuit, incohérent et exagéré ». Une enquête judiciaire a été ouverte en décembre. Aucune condamnation n'a encore été prononcée.
Christophe RIGAUD
14:00 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (11)