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18 mars 2012

RDC : La crise alimentaire s'est aggravée en 2011

L'édition 2011 de l'indice de la faim dans le monde mesure l'évolution de l'insécurité alimentaire dans plus de 80 pays. Dans cette nouvelle édition, la République démocratique du Congo (RDC) est le seul pays à passer de "situation alarmante" à "extrêmement alarmante" en 2011. Les conflits successifs et l'instabilité politique ont provoqué une augmentation de 63% de son indice de la faim.

filtre DSC02372.jpgDans la sixième édition du Global Hunger index (indice mondial de la faim), publié par l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), 26 pays continuent de présenter une "situation grave" et 9 pays ont connu une aggravation de la faim. Dans cette petite trentaine de pays en grave insécurité alimentaire, la République démocratique du Congo (RDC) fait office de mauvais élève. La RDC est en effet le seul pays a nettement reculer dans ce classement. Le Congo passe donc de "situation alarmante" à "extrêmement alarmante".

Capture d’écran 2012-03-18 à 18.45.42.pngL'IFPRI affirme que la République Démocratique du Congo compte "la plus grande proportion de personnes sous-alimentées (environ 70 % de la population) et l’un des taux de mortalité infantile le plus élevé au monde". En cause : les déplacements massifs de populations et le marasme économique liés aux guerres des années 1998–2003. Le rapport note que pour sortir de sa
situation précaire en matière de sécurité alimentaire, "la RDC aura besoin de programmes de développement solides incluant des volets de sécurité alimentaire, en nutrition et santé".

Pourtant, la RDC possède le premier potentiel agricole d'Afrique, avec ses 80 millions d'hectares de terres cultivables. De quoi subvenir largement aux besoins alimentaires des Congolais. Problème : seuls 10% sont utilisés. Il y a plusieurs raisons à cela. A commencer par la "mégestion" de l'Etat. La rente minière, autrement plus lucrative, a toujours été privilégiée par les gouvernements congolais, de Mobutu à Kabila. En 2010, la RDC n'a investit que 0,64% de son budget dans l'agriculture. Une goutte d'eau lorsque l'on sait que le budget national ne dépasse pas les 5 ou 6 milliards de dollars. Conséquences : aucun investissement, manque d'entretien et d'engrais… le rendement chute.

Les nombreux conflits armés à répétition sont aussi à l'origine de la baisse de la production agricole. L'insécurité provoque le pillage systématique des cultures et des lieux de vente, comme les marchés. Autres entraves à la commercialisation des produits agricoles : le manque d'infrastructures routières qui freine également l'acheminement des produits et les nombreux "barrages", où les producteurs sont "taxés" par les divers services de sécurité ou les groupes rebelles. Et la situation se dégrade :  le nombre de personnes sous-alimentées est passé de 11 millions en 1990 à 44 millions en 2006. Les ONG présentes en RDC mettent essentiellement en cause la mauvaise gouvernance de l'Etat congolais.

Christophe RIGAUD

Photo : Matadi © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

14 mars 2012

RDC : Après Lubanga... Ntaganda ?

Après la condamnation du rebelle congolais Thomas Lubanga par la Cour pénale internationale (CPI), Human Rights Watch (HRW) souhaite "l'arrestation immédiate" de Bosco Ntganda. Recherché par la CPI pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats en Ituri, Bosco Ntaganda est aujourd’hui général au sein de l'armée congolaise (FARDC) et vit en toute impunité à Goma. Les jours sont-ils comptés pour le chef du CNDP ? Rien n'est moins sûr.

Capture d’écran 2012-03-14 à 22.36.24.pngLe rebelle congolais,Thomas Lubanga, a été reconnu coupable, ce matin, de crimes de guerre par la Cour pénale internationale (CPI). Il a été accusé d'avoir "enrôlé des enfants âgés de moins de 15 ans et de les avoir fait prendre part de façon active aux hostilités".  Il s'agit du premier jugement de la CPI depuis sa création en 2002. La durée exacte de sa peine sera annoncée ultérieurement. Thomas Lubanga risque jusqu'à 30 ans de prison.

Pour l'ONG Human Rignts Watch (HWR), « le verdict contre Lubanga est une victoire pour les enfants forcés à combattre dans les guerres brutales du Congo », selon Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice du plaidoyer en faveur de la justice internationale. « Les commandants militaires au Congo et ailleurs devraient tenir compte de ce message fort lancé par la CPI : l’utilisation d’enfants comme arme de guerre est un crime grave qui peut les conduire sur le banc des accusés. » a-t-elle précisé.

Après ce verdict, HWR souligne la nécessité "de procéder immédiatement à l’arrestation du co-accusé dans l’affaire Lubanga : Bosco Ntaganda, qui est actuellement général dans l’armée congolaise à Goma, à l’Est du Congo, et continue d’échapper à la justice".

HRW précise que "l'ex-chef des opérations militaires de l’UPC, Bosco Ntaganda, est également recherché par la CPI pour avoir recruté et utilisé des enfants soldats en Ituri, les mêmes chefs d’accusation que ceux retenus contre Lubanga. Ntaganda est aujourd’hui général au sein de l'armée congolaise et vit sans se cacher à Goma, dans l’est du Congo, où il est régulièrement aperçu dans les meilleurs restaurants ou sur les courts de tennis. Ntaganda occupe à l’heure actuelle la fonction de commandant adjoint des opérations militaires dans l'est du Congo, et les troupes placées sous son commandement continuent à perpétrer de graves exactions, comme rapporté par Human Rights Watch".

Pour Géraldine Mattioli-Zeltner, «Lubanga ayant été reconnu coupable, le fait que Ntaganda soit toujours en liberté est une trahison d’autant plus honteuse vis-à-vis des victimes ». Selon Human Rights Watch, Kinshasa doit  «immédiatement arrêter Ntaganda et le remettre à la CPI.»

Mais depuis le renversement de Laurent Nkunda en 2009 et le rapprochement entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, Bosco Ntaganda constitue une carte maîtresse entre les mains des autorités de Kinshasa. Pour le président congolais Kabila, "la paix et la sécurité du Nord-Kivu passent avant toute chose"... quitte à protéger un criminel de guerre. Elevé au rang de général au sein de l'armée régulière, l'ex-rebelle est officiellement assigné à des fonctions non opérationnelles. En réalité Ntaganda est un des responsables de la campagne Kimya II, engagée en 2009 par les forces armées congolaises (FARDC) contre les rebelles hutus (FDLR) encore présents au Kivu.

Pendant la période électorale, fin 2011, Joseph Kabila a visiblement eu recours aux soldats du CNDP de Ntaganda pour "asseoir" un vote favorable dans les régions contrôlées par l'ancien rebelle. Certains observateurs notent que la réélection contestée de Joseph Kabila est en partie dû aux scores très importants (et douteux) réalisés par le président sortant dans les Kivu.

Il y a deux ans, Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais précisait au sujet de la capture de Ntaganda que "les chicaneries autour des poursuites à engager sans délai sont de nature à infliger à ce pays fragile un remède pire que le mal". Ntaganda avait sauvé sa tête une fois de plus... jusquà quand ? Avec ce premier jugement de la CPI, l'étau se resserre un peu plus autour du chef du CNDP.

Christophe RIGAUD

Photo : (c) ICC

RDC : Lubanga "coupable" pour la CPI

La Cour pénal internationale (CPI) a rendu le premier jugement de son histoire en reconnaissant la culpabilité du rebelle congolais Thomas Lubanga ce matin à La Haye. La CPI a déclaré Thomas Lubanga coupable de crime d'enrolement d'enfants de moins de 15 ans pendant la guerre en Ituri entre 2002 et 2003 dans le Nord-Est de la République démocratique du Congo (RDC). La peine sera déterminée ultérieurement. Thomas Lubanga risque jusqu'à 30 ans de prison.

Image 4.pngAprès 204 jours d'audience, la Cour pénal internationale a rendu son premier verdict. Thomas Lubanga est reconnu coupable "d’avoir commis, en tant que coauteur, des crimes de guerre consistant à procéder à l’enrôlement et à la conscription d’enfants âgés de moins de 15 ans dans les rangs des Forces patriotiques pour la libération du Congo (les FPLC) et à les faire participer activement à des hostilités en Ituri, un district de la province Orientale de la RDC, entre septembre 2002 et août 2003".  La peine de Thomas Lubanga sera déterminée ultérieurement. Il risque jusqu'à 30 ans de prison.

Diffusé en direct sur internet, le verdict est un soulagement pour les victimes congolaises ainsi que pour les nombreuses ONG qui opèrent dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les rumeurs persistantes d'un acquittement de Thomas Lubanga faisaient craindre le pire dans la province de Bunia où réside la majeure partie des victimes. La CPI jouait également sa crédibilité et son avenir dans ce premier verdict. Pour Dismas Kitenge, Président du Groupe Lotus et Vice-Président de la FIDH, “Le procès Lubanga et ce verdict ont un potentiel dissuasif important sur la commission de crimes internationaux dans le pays, et en particulier sur l’utilisation des enfant soldats. Ce verdict contribuera à consolider la légitimité de la Cour, indispensable à l’exercice d’un réel pouvoir préventif”.

Jusqu’à présent, 14 affaires sont en cours devant la CPI, dont quatre en phase de procès. Sept enquêtes ont été ouvertes dans le contexte des situations en Uganda, République démocratique du Congo, République centrafricaine, Darfour (Soudan), Kenya, Libye et en Côte d’Ivoire. Le procès d'un autre congolais, Jean-pierre Bemba doit reprendre prochainement.

L'intégralité du jugement de Thomas Lubanga est à lire ICI.

Christophe RIGAUD

12 mars 2012

RDC : Haro médiatique sur Joseph Kony

Depuis une semaine la toile s'enflamme pour traquer et arrêter Joseph Kony, un chef rebelle ougandais de la LRA, recherché par la Cour pénale internationale. Un clip d'une ONG a mobilisé près de 70 millions d'internautes et la page Facebook de la campagne compte déjà 2,5 millions de fans. Unique par son succès, la vidéo "Kony 2012" constitue une première du genre pour un chef de guerre africain encore inconnu du grand public il y a quelques jours. Pourtant, cette "vidéo virale" humanitaire est très controversée et suscite scepticisme et railleries.

Capture d’écran 2012-03-11 à 23.15.59.pngLRA. Depuis 2007, ces 3 lettres sèment la terreur au Nord et à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Considérée comme l'une des milices les plus violentes du monde, l'Armée de résistance du seigneur (LRA), qui organise une rébellion contre le pouvoir ougandais, est accusée de perpétrer des massacres, des viols de masse, des pillages auprès des populations civiles congolaises. La LRA est aussi tristement connu pour être composée à 80% d'enfants soldats. A sa tête depuis 1988, Joseph Kony est recherché depuis 2005 par la Cour pénale internationale. De nombreuses opérations militaires, ougandaises, congolaises et américaines ont été montées pour sa capture… sans succès. La jungle est immense et les troupes de Kony passent allègrement d'une frontière à l'autre, entre Congo (RDC) et Centrafrique.

Depuis une semaine, une vidéo de l'association Invisible Children fait le buzz sur internet. Ce clip de 30 minutes vise à mobiliser la communauté internationale afin d'arrêterJoseph Kony. En quelques jours, la vidéo a été vue par plus de 70 millions d'internautes. La page Facebook de la campagne est prise d'assaut et compte plus de 2,5 millions de fans. Sur Twitter, "Kony 2012" a été le sujet le plus partagé sur le réseau social. Des célébrités comme Oprah Winfrey, Puff Diddy, Justin Bieber ou Rihanna ont relayé le message à leurs millions de "followers" … le succès est immédiat… et c'est une première pour une vidéo humanitaire.

Mais très vite, les critiques fusent. Il faut dire que le clip (30 minutes tout de même) ressemble plutôt à une mauvaise bande annonce de film américain (voix off, musiques et effets spéciaux à gogo). Le propos est ensuite tellement manichéen qu'il s'apparente aux pires films de propagande de la période soviétique. Enfin, l'objectif de la campagne (capturer Joseph Kony) cadre mal avec la mobilisation proposée par l'ONG et un appel au don. En effet, Kony est déjà recherché depuis plusieurs années par les armées d'un moins quatre pays : l'Ouganda, la RDC, la Centrafrique et les Etats-Unis. On voit mal comment la mobilisation de millions d'internautes pourraient accélérer sa capture et surtout, à quoi servirait l'argent récolté ? L'échec de son arrestation n'est pas dû à un manque de moyens financiers, mais bien plus prosaïque : la zone dans laquelle se déplace les troupes de Kony est grande comme 2 fois la France et couverte d'une forêt tropicale très dense. Le chef rebelle joue donc à cache-cache avec les différentes armées à sa poursuite.

La controverse ne s'arrêta pas là. Un étudiant canadien (relevé par le site du Nouvel Observateur) affirme qu'Invisible Children "est en faveur d’une intervention militaire directe, et leur argent soutient l’armée du gouvernement ougandais et divers autres forces militaires." Une photo des fondateurs de l'ONG, posant les armes à la main avec des militaires de la SPLA (milice soudanaise soutenue par l'Ouganda) a fini par jeté le trouble sur les bonnes intentions d'Invisible Children. Pour couronner le tout, l'ONG a été plutôt mal noté par Charity Navigator, censé évaluer la transparence financière d'Invisible Children, l'association ayant refusé l'accès à ses comptes.

Invisible Children donne peu d'explications convaincantes sur son site internet. La photo ? "une erreur de jeunesse". Le financement ? "aucun don n'est versé à des gouvernements". Comment cette campagne aiderait-elle l'arrestation de Joseph Kony ? "en déployant des conseillers américains sur place (??), en fournissant des renseignements (??) et d'autres aides (lesquelles ??) pour localiser Joseph Kony".

Si arrêté Joseph Kony est une nécessité pour la sécurité de milliers de civils vivant dans la région, la campagne d'Invisible Children "sonne faux". Car si la cause est bonne, les moyens sont douteux. D'ailleurs de nombreux internautes ont immédiatement détourner la campagne en se demandant comment cette vidéo de 30 minutes pouvait changer quelque chose dans l'arrestation de Joseph Kony.

Capture d’écran 2012-03-11 à 23.12.37.pngCapture d’écran 2012-03-11 à 23.12.03.png

 

 

 

Un seul point positif tout de même : la puissance d'internet peut accélérer la mobilisation de l'opinion (on le savait déjà avec les révoltes arabes) et maintenant, tout le monde connaît Joseph Kony… ou presque.

Christophe RIGAUD