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26 juillet 2013

RDC : Bavure des FARDC à Rumangabo ?

L'armée congolaise (FARDC) a bombardé mercredi 24 juillet un quartier de Rumangabo, près d'une base rebelle du M23. La rébellion et plusieurs témoins font état de 4 morts et 10 blessés et accusent l'armée d'avoir "raté sa cible". Les FARDC reconnaissent avoir attaqué le camp militaire, mais sans faire de victime civile.

Capture d’écran 2013-07-26 à 19.26.21.pngQue s'est-il passé à Rumangabo mercredi dernier ? Dans ce village situé à 45 km au Nord de Goma, les hélicoptères de l'armée régulière congolaise (FARDC) ont lancé une offensive aérienne sur un camp militaire de la rébellion du M23. Les appareils des FARDC, des MI-24, ont bombardé Rumangabo "en haute altitude" dans un raid éclair, selon des témoins. Le bilan est lourd d'après l'agence Reuters, relayé par le Washington Post  : 4 morts dont 3 enfants, une dizaine de blessés (un homme a perdu une jambe) et plusieurs maisons détruites. L'information est d'abord donnée par le président de la rébellion, Bertrand Bisimwa. Le M23 affirme que ce sont des civils qui ont été touchés dans un quartier d'habitation qui se trouve en amont de leur centre de formation militaire. Un bombardement "raté" et  "irresponsable" puisque "tiré de beaucoup trop loin", estime un autre membre du M23.

Des corps atrocement mutilés

corps.pngTrès rapidement, un habitant contacté par l'Agence France Presse, confirme la thèse de la "cible manquée" par l'hélicoptère des FARDC. "Le camp n'a pas été touché, les avions ont bombardé ici", dit-il en désignant des habitations détruites. Le responsable du Parc des Virunga apporte lui aussi son témoignage à l'agence Reuters, car il est aux première loges des combats. "Les hélicoptères ont tiré sur Rumangabo et il semble qu'il y a un certain nombre de victimes" raconte  Emmanuel De Merode. Le directeur du Parc explique qu'une dizaine de blessés ont été admis dans son infirmerie. Pour preuve de la violence des dégâts causés par l'attaque des FARDC, le M23 diffuse plusieurs clichés des victimes, que nous avons pu consulter. La plupart des photos sont impubliables et montrent des corps atrocement mutilés, éventrés ou démembrés. Nous ne sommes bien sûr pas en mesure d'authentifier le lieu et la date des prises de vues.

"Pas de victime civile"

Jeudi 25 juillet, l'armée congolaise sort de son silence et dément avoir tué des civils à Rumangabo. Les FARDC reconnaissent le bombardement du camp militaire de la rébellion mais récuse toute victime civile : "notre cible était les éléments du M23 dans le camp de Rumangabo, le bombardement n'a pas tué de civil", affirme l'armée sans plus d'explications. Difficile en effet pour les autorités congolaises de vérifier sur le terrain les conséquences d'un bombardement dans un territoire sous contrôle rebelle. Le M23 ironise sur l'embarras de l'armée régulière : "depuis cette bavure, les attaques des FARDC ont cessé depuis 2 jours… comme par miracle !". Un peu plus tard le porte-parole de l'armée congolaise intervient pour affirmer que "les cibles ont bien été atteintes à Rumangabo" et accuse désormais le M23 "d'avoir tiré sur des civils qui fuyaient". Une version tardive un peu alambiquée.

"Cible ratée"

Dans la guerre de l'information que se livrent les autorités congolaises et le M23, il est souvent difficile d'y voir clair: les deux camps se rejettant la plupart du temps la responsabilité des combats. Dans la "bavure" de Rumangabo, on pourrait voir un contre-feu allumé par le M23 pour "faire oublier" les accusations de Human Rights Watch qui dénonce  les "exécutions sommaires" de la rébellion (1). Mais les témoignages d'habitants et du directeur du Parc des Virunga semblent plutôt accréditer la thèse de la  "cible ratée" et donc d'une erreur d'appréciation de l'armée congolaise.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

(1) voir notre article sur Afrikarabia

Photos diffusées par le M23 © DR

22 juillet 2013

RDC : HRW accuse le M23 "d'exécutions sommaires"

"Les rebelles du M23 ont exécuté sommairement au moins 44 personnes". C'est ce qu'affirme Human Rights Watch (HRW) qui a recueilli une centaine de témoignages au Nord-Kivu. L'ONG apporte également de nouvelles preuves du soutien du Rwanda au M23, mais dénonce aussi les exactions commises par les FDLR et l'armée congolaise.

filtre DSC02372.jpgAlors que les affrontements ont repris le 14 juillet à l'Est de la République démocratique du Congo, entre les rebelles du M23 et l'armée congolaise, Human Rights Watch dénonce les exécutions sommaires commises par la rébellion. Selon l'ONG, le M23 a exécuté "au moins 44 personnes et violé au moins 61 femmes et filles depuis mars 2013". HRW a également recueilli plusieurs témoignages d'habitants du Nord-Kivu et de rebelles déserteurs attestant que le M23 reçoit toujours de l'aide en provenance du Rwanda. "Parmi ces activités figurent des mouvements réguliers du Rwanda vers la RD Congo d'hommes en uniforme de l'armée rwandaise et l’approvisionnement du M23 en munitions, en vivres et en autres fournitures provenant du Rwanda", note l'ONG dans son communiqué.

Recrutements au Rwanda

Parmi les hommes recrutés au Rwanda par le M23, figurent des militaires rwandais démobilisés, mais aussi d'anciens combattants des FDLR, ainsi que des civils rwandais. "Un jeune Rwandais âgé de 15 ans", explique Human Rights Watch, "raconte que lui et trois autres jeunes hommes et garçons avaient reçu la promesse d'emplois en tant que gardiens de vaches en RD Congo, mais qu'une fois arrivés dans ce pays, ils avaient été forcés de rejoindre le M23. Ils ont suivi en RD Congo une formation militaire dispensée par des officiers rwandais et on les a avertis qu'ils seraient abattus s'ils tentaient de s'enfuir. D'autres déserteurs du M23 ont également affirmé que des officiers rwandais formaient les nouvelles recrues de ce groupe". (voir les témoignages recueillis par HRW)

Les FDLR au banc des accusés

Mais le M23 n'est pas le seul pointé du doigt. En plus des exactions commises par le M23, Human Rights Watch dénonce plusieurs meurtres et viols commis par les miliciens hutus congolais des FDLR. Certains officiers de l'armée congolaise auraient apporté un soutien à des factions des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais à majorité hutue, allié à ces milices congolaises, et dont certains membres ont participé au génocide de 1994 au Rwanda.

L'armée régulière également coupable

L'armée régulière congolaise (FARDC) n'est pas en reste. Selon l'HRW, "certains officiers et responsables gouvernementaux ont fourni un appui aux FDLR ou à des groupes qui leur sont alliés". l'ONG dénonce aussi la manière dégradante dont ont été traités les cadavres de combattants M23 par l'armée congolaise. "Le droit international interdit de commettre des atteintes à la dignité de la personne, y compris contre des morts", rappelle Human Rights Watch. L'ONG appelle les autorités militaires congolaises "à sanctionner de manière appropriée les officiers et les soldats responsables du mauvais traitement de cadavres". On peut noter que l'ONG oublie les nombreuses exactions commises par les FARDC : vols, viols, pillages… notamment à Minova.

Accusations partiales ?

Dans ces nombreux rapports, HRW a souvent été accusé par le M23 et le Rwanda de "partialité". L'ONG pointe souvent la rébellion comme l'unique source d'exactions en RDC, alors qu'une vingtaine d'autres groupes armés pullulent au Nord et Sud-Kivu. Les groupes d'auto-défense Maï-Maï sont peu cités dans les rapports d'Human Rights Watch. Et pour la population congolaise, l'armée nationale est considérée comme la seconde source de violence en RDC. Le M23 a souvent remis en cause les méthodes de l'ONG pour recueillir ses témoignages. Le journal Libération sous-entendait qu'Human Rights Watch paierait ses témoignages contre le M23. Si l'ONG dénonce dans son communiqué "44 exécutions sommaires", la rébellion affirme qu'elle attend toujours les preuves des "massacres de masse" dont on l'accuse. Il n'empêche que l'apparition du M23 en mars 2012 a bien ravivé la vingtaine de groupes rebelles… et les exactions qui vont avec. Le mouvement du 23 mars constitue bien le principal facteur de déstabilisation dans les Kivus, ce qui n'est évidemment pas le cas des groupes Maï-Maï, composés chacun d'une centaine d'hommes, tout au plus. Dans ce présent communiqué, on voit bien que l'ONG met l'accent sur les exactions du M23, mais corrige le tir en accusant (à juste titre) les autres groupes armés. Un ajustement bienvenu.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com