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21 juillet 2013

RDC : Les Kivus au bord de l'embrasement

L'armée congolaise a lancé une importante offensive contre les rebelles du M23 autour de la ville de Goma à l'Est de la République démocratique du Congo. Après une semaine de combats, le conflit peut-il se généraliser ?

soldat.JPGLa trêve entre M23 et gouvernement congolais aura été de courte durée. Après plusieurs mois d'atermoiements aux négociations de paix de Kampala, les armes ont de nouveau parlé dans les Kivus. Les hostilités ont repris dimanche 14 juillet à l'initiative de l'armée régulière congolaise (FARDC). Objectif : déloger les rebelles de Mutaho, une colline à une dizaine de kilomètres au Nord de Goma. Ce point stratégique situé sur les hauteurs permet à la rébellion de garder un oeil sur la ville et de l'attaquer, comme ce fut le cas en novembre 2012. Pendant une dizaine de jours, le M23 s'était alors emparé de la ville, sans résistance, devant une armée congolaise fantôme, avant de la libérer après avoir obtenu des négociations avec Kinshasa. Mais depuis plusieurs mois les pourparlers de paix de Kampala piétinent. Et la reprise des combats la semaine dernière n'est que le résultat de ce rendez-vous manqué.

Les affrontements entre l'armée congolaise et le M13 tombent à un moment clé du conflit. Le gouvernement de Kinshasa ne sait plus comment sortir des négociations de paix de Kampala, où il est bien décidé à ne faire aucun compris avec la rébellion. Et le M23 s'inquiète de l'arrivée prochaine de la fameuse Brigade d'intervention de l'ONU (FIB), un corps de 3.000 hommes, censé neutraliser les groupes armés dans les Kivus, par la force. Dans ce contexte de tensions, on pourrait donc penser que les deux belligérants ont intérêt à faire parler les armes.

C'est vrai pour le gouvernement congolais. Kinshasa veut faire oublier l'humiliation de la prise de Goma de novembre 2012 et ne veut pas céder devant la rébellion. La guerre contre le M23 est populaire en RDC et Joseph Kabila a la volonté de regagner un peu de légitimité après sa réélection contestée en 2011. Les FARDC se sont renforcés pendant les longs mois du "dialogue de sourds" de Kampala et l'Etat major a concentré ses meilleurs éléments (et également décidé de les payer en temps et en heure !). Le déclenchement des hostilités par Kinshasa avait donc pour but de s'attaquer frontalement au M23 avec de nouvelles troupes et un nouveau matériel plus performant. Mais l'autre objectif de Kinshasa était de précipiter l'ONU et sa Brigade dans le conflit le plus rapidement possible. Car les autorités congolaises comptent beaucoup sur la Brigade pour les sortir du cycle infernal : rébellion/accords de paix/nouvelle rébellion/nouveaux accord de paix… Pour le moment, si militairement les "succès" des FARDC sont limités, l'armée congolaise a réussi mettre la pression sur la rébellion en tentant une stratégie d'encerclement autour des ses positions. L'ONU, elle aussi, se retrouve sous pression, avec le double inconvénient d'être désormais critiquée par le M23 (car soutenant les FARDC) et par l'armée congolaise qui l'accuse de l'empêcher d'affronter les rebelles.

Côté M23, la situation est différente. Coincés par Kampala, dont l'issu demeure plus qu'incertaine, les rebelles redoutent l'arrivée de la Brigade d'intervention de l'ONU. Ce contingent de 3.000 hommes peut fortement déstabiliser le M23, qui ne compte qu'au maximum 2.500 soldats, certains analystes parlant même de seulement 1.500. Attaquer Goma une nouvelle fois aurait pu être une stratégie intéressante pour les rebelles. Jusqu'à fin mai, début juin, la ville était "reprenable" et une nouvelle chute de Goma aurait considérablement changé la donne à Kampala. Mais le M23 n'a pas bougé. Son parrain Rwandais, longuement sermonné par la communauté internationale pour son assistance aux rebelles congolais, se tient désormais en retrait. Kigali siège maintenant au Conseil de sécurité et tous les regards sont fixés sur le Rwanda et la situation au Nord-Kivu. Impossible pour le président Kagame d'apparaître comme le fauteur de trouble. La seule stratégie possible pour le M23 est donc l'attente et la conservation de ses positions autour de Goma en espérant que la Brigade "offensive" de l'ONU soit aussi inefficace que sa cousine la Monusco.

Le conflit peut-il se généraliser ? Ou même se régionaliser comme certains le craignent ? Pour les rebelles du M23, cette hypothèse serait sans doute la seule solution militaire possible pour de nouveau s'imposer sur l'échiquier congolais. Pour cela, il suffirait de plusieurs incidents sérieux avec les pays voisins de la RDC : le Rwanda, l'Ouganda ou le Burundi. Le Rwanda est d'ailleurs rapidement monté au créneau la semaine dernière dénonçant la chute de 2 obus congolais en territoire rwandais.  Alors seulement, ces pays pourraient entrer dans le conflit ou prêter main forte de manière plus visible au M23. Le pari serait risqué. Le risque d'embrasement est donc pour l'instant peu probable.

L'évolution de la situation sécuritaire dans les Kivus se trouve en fait entre les mains de la communauté internationale et de l'ONU tout particulièrement. Si les FARDC se sont montrés plus offensifs ces derniers jours qu'en novembre dernier, il paraît difficile de penser que l'armée congolaise viennent seule à bout du M23. Pour cela, il faudra l'intervention et le soutien actif de la Monusco et de la Brigade d'intervention. Pour l'instant, la Monusco n'est pas intervenu et la Brigade n'est pas prête. Les FARDC sont donc peut-être allés un peu vite en besogne puisque la Brigade ne sera finalement pas complètement opérationnelle avant… début septembre. Un laps de temps ou tout est encore possible.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

RDC : Le cas Ndongala préoccupe le PS français

Dans un communiqué, le Parti socialiste français (PS) dénonce "les actes de harcèlement et les mesures de détention arbitraires" subit par l'opposant congolais Eugène Diomi Ndongala. Emprisonné depuis avril dernier, Diomi Ndongala vient d'être transféré au camp militaire Kokolo dans un état de santé jugé critique par ses proches. Retour sur l'affaire Ndongala.

diomi ndongala5.jpgLe très mauvais feuilleton judiciaire dont est victime le dirigeant de la Démocratie chrétienne (DC), Eugène Diomi Ndongala, commence à inquiéter Paris. Le Parti socialiste français vient en effet de publier un communiqué sans équivoque sur le cas de cet opposant congolais "harcelé" par le régime du président Joseph Kabila, selon les propres termes du communiqué.

Après les élections contestées de novembre 2011, Diomi Ndongala, allié de l'opposant Etienne Tshisekedi, a fortement contesté la réélection du président Kabila. Depuis, les "mésaventures" s'enchaînent pour Ndongala. Alors que le patron de la DC prépare une coalition de partis d'opposition pour contrer Joseph Kabila, Ndongala se voit accuser de viol sur mineures dans un scénario "préfabriqué dont le pouvoir de Kinshasa est coutumier" selon ses proches. Il "disparaît" alors quelques jours plus tard à Kinshasa. La Démocratie chrétienne dénonce "un enlèvement des services de sécurité congolais" (ANR), tandis que les autorités affirment qu'il est "en fuite" pour "échapper à la justice". Ndongala réapparaît comme par miracle, le 22 juin 2012, la veille du Sommet de la Francophonie et de la venue du président français François Hollande.

Mais les déboires d'Eugène Diomi Ndongala ne s'arrêtent pas là. Le député d'opposition se retrouve maintenant accusé de "complot contre l'Etat" et de "tentative d'assassinat du président Kabila". Là encore, les accusations sont "grotesques" selon la DC En juin, son mandat de député est invalidé et le prive de son immunité. Ndongala se retrouve passible de la peine de mort. Enfin le 8 avril 2013, le voici interpellé et conduit à la prison centrale de Makala. Depuis, sa femme Patrizia, lance des appels répétés pour sa libération ou au moins sa mise en résidence surveillée, car son mari serait extrêmement malade. La santé de Diomi Ndongala s'est en effet fortement dégradée depuis son arrivée à Makala où les soins sont réduits au strict minimum.

Dernier épisode en date, Ndongala aurait été transféré le 18 juillet dernier au camp militaire Kokolo, de sinistre réputation. La Démocratie chrétienne dénonce "la militarisation de la prise en charge médicale de son président et condamne la stratégie du régime kabila de vouloir à tout pris éliminer Diomi Ndongala à travers son refus de lui administrer des soins".

Le Parti socialiste (PS) français, par la voix de Jean-Christophe Cambadélis, vient d'apporter son soutien à Diomi Ndongala. Le PS déclare "suivre avec attention les nouvelles vicissitudes judiciaires imposées à l’opposant congolais, soumis à une justice clairement partiale et reste vigilant sur le sort de cet opposant". Le parti socialiste déclare "attendre plutôt du pouvoir congolais que soit organisé enfin un dialogue politique inclusif et sincère afin de remédier aux carences patentes de la démocratie en République démocratique du Congo". On peut difficilement penser que le président français, François Hollande, n'a pas été tenu informé de cette prise de position de son propre parti.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Diomi Ndongala © DR