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25 mai 2013

Francis Laloupo décortique la Françafrique

Un an après l'élection de François Hollande, l'éditorialiste Francis Laloupo se penche sur 50 ans de délicates relations entre la France et le continent africain. Sans complaisance sur les responsabilités des élites africaines, le journaliste  retrace l'histoire des réseaux françafricains et se demande surtout comment établir, à l'avenir, un nouveau partenariat "normalisé" entre la France et l'Afrique.

Capture d’écran 2013-05-25 à 21.10.18.pngNicolas Sarkozy avait promis la "rupture", sans jamais la réaliser. François Hollande a promis le "changement maintenant". En toute logique Francis Laloupo pose la question dans le titre de son dernier ouvrage : "France-Afrique : la rupture maintenant ?" (1). En 264 pages, Francis Laloupo retrace 50 ans de relations "singulières" entre la France et l'Afrique. Depuis De Gaulle, l'inventeur du système d'"indépendance-association", en passant par Chirac le "paternaliste", jusqu'à Sarkozy, le journaliste analyse l'évolution des rapports, parfois complexes, entre la France et ses anciennes colonies africaines.

Valse des mallettes

Sur la définition de ce qu'on appelle la "Françafrique", Francis Laloupo dresse une liste amusante de cette "galaxie mouvante". On y trouve "des politiques, des émissaires officieux, des conseillers en communication auto-proclamés (…), des "chasseurs de CFA", des pseudo humanitaires, des journalistes prébendiers et transmués en agents de publicité de régimes patibulaires , des journalistes "spécialistes de l'Afrique" exerçant occasionnellement la discrète fonction d'agents de renseignement français, des affairistes arborant l'insigne de la Franc-maçonnerie(…) le spectre est large" conclut Francis Laloupo. De gaulle (et son fidèle Foccart), Pompidou, Giscard, Chirac, Mitterrand, Sarkozy… personne n'a échappé aux appels de la Françafrique, note l'auteur. Au menu de ces relations incestueuses : "la valse des mallettes" pour financer les partis politiques hexagonaux. En échange, le chef d'Etat africain se voit gratifié de la bienveillance de Paris… et de ses soldats, toujours prêts à venir défendre un régime chancelant.

Erreurs d'appréciation

La galerie de portrait des présidents français est réjouissante. Chirac est d'un "paternalisme ahurissant". Et de citer ce propos attribué à l'ancien président : "l'Afrique n'est pas mûre pour la démocratie"… tout est dit. Le décryptage des relations entre Nicolas Sarkozy et l'Afrique est sans doute l'un des mieux senti du livre. "Nicolas Sarkozy", écrit Francis Laloupo, "aura eu tout faux, à force de vouloir tout et son contraire". L'auteur rappelle le "limogeage" sans délai de Jean-Marie Bockel, sur demande expresse d'Omar Bongo. Sur la "rupture" promise par le candidat Sarkozy, le journaliste note très justement que "pour rompre, il faut être deux". "La rupture ne pouvait se décréter unilatéralement depuis l'Elysée" sans accord entre Paris et les pays africains, explique Francis Laloupo. Le bilan du quinquennat Sarkozy semble se résumer à cet note de l'ambassade américaine à Paris, qui estima que "la politique de Sarkozy laisse aux Etats-unis les mains plus libres en Afrique". L'auteur dresse ensuite une longue liste des "erreurs d'appréciation" de la France en Afrique. Le soutien "sans faille à Mobutu", la "désastreuse appréciation du conflit rwandais qui déboucha sur le crime absolu", le "plantage des accords de Marcoussis" sous la houlette de Dominique de Villepin, "à la manière d'un gouverneur colonial régentant un procès tribal"…

Pour une "deuxième indépendance"

L'ouvrage se termine par l'arrivée au pouvoir de François Hollande en mai 2012. L'auteur semble plutôt bienveillant concernant le nouveau locataire de l'Elysée (un peu trop ?). Francis Laloupo le présente comme un homme ayant "un sens exceptionnel de la méthode" et "une capacité à construire des perspectives". Et de rappeler les premiers gestes du président français sitôt élu : la réception du Béninois Thomas Boni Yayi, du nigérien Mahamadou Issoufou, tous les deux "démocratiquement élus", ou encore la "poignée de main chaleureuse" à Dakar avec Macky Sall. L'auteur note aussi l'ambiance crispée avec Omar Bongo et cette phrase de François Hollande  sur "l'obligation de transparence sur l'utilisation de l'argent de la manne pétrolière". Selon Francis Laloupo, le message de Hollande à l'Afrique est clair : "bonne gouvernance, non-ingérence et pacte de croissance". Le journaliste tire aussi le signal d'alarme. Si rien ne change, "les jeunes générations se détourneront de la France". Paris n'est déjà "plus la référence", note les diplomates en Afrique, "même si les Français ont du mal à l'admettre". D'après François Hollande, "le changement viendra d'abord et avant tout des peuples". Une idée partagée par l'auteur qui estime que l'heure de la "deuxième indépendance" a sonné. Et de résumé la vision "hollandaise" de l'Afrique par cette phrase prononcée par le président français au Mali : "nous payons aujourd'hui notre dette à votre égard".

Depuis l'écriture de ce livre, François Hollande semble avoir été rattrapé par la realpolitik… et la Françafrique. Le président s'est vu contraindre à défendre le pré carré africain… comme les autres. La guerre au Mali a rendu intouchable le très autoritaire Idriss Déby. Et le palais de l'Elysée a récemment vu défiler les présidents Sassou Nguesso et Paul Biya… tous deux, maîtres ès Françafrique. Mais restons optimistes et retenons que la politique africaine de François Hollande reste encore à écrire.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

(1) Francis Laloupo : "France-Afrique : la rupture maintenant ?" - mai 2013 - 264 pages
Editions Acoria - 19 euros.

22:48 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Les présidents français sont présidents de la France et défendent des politiques qu'ils croient favorables à la France, il en est de même des présidents des Etats-Unis; s'imaginer autre chose est pure naïveté.

Écrit par : anneet | 26 mai 2013

Les commentaires sont fermés.