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28 octobre 2012

RDC : Les groupes armés prolifèrent au Nord-Kivu

Depuis la création de la rébellion du M23 et le retour de la guerre à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), de nouveaux groupes armés ont fait leur apparition. Une trentaine de rébellions sévissent actuellement dans les Kivus. La dernière en date se nomme l'URDC, Union pour la réhabilitation de la démocratie au Congo.

armée filtre kinshasa.jpgChaque semaine qui passe aux Kivus, voit la création d'un nouveau groupe armé. Depuis la mutinerie du M23, en guerre contre l'armée régulière de Kinshasa, les rébellions se multiplient à l'Est de la RDC. On compte actuellement une trentaine de mouvements rebelles dans la région, allant de quelques centaines d'hommes à quelques milliers. Les alliances varient avec le temps et les circonstances. La majorité de ces mouvements ont pourtant un "ennemi" en commun : les FARDC, l'armée régulière congolaise. Les victimes de ces groupes sont toujours les mêmes : la population civile, prise entre deux feux. Pillages, vols, viols, les exactions de ces milices ont jeté sur les routes et dans les camps, des milliers de réfugiés. Depuis le mois de mai et la création du M23, les combats ont fait plus de 300.000 déplacés dans l'Est du pays.

URDC, Raïa Mukombozi...

Le dernier né de ces groupes s'appelle l'URDC, l'Union pour la réhabilitation de la démocratie au Congo. Ces rebelles se trouvent à Beni, au Nord-Kivu et sont basés dans les collines de Ruwenzori et Graben. Selon la radio onusienne Okapi, un des responsables du groupe serait le colonel Jacques Tahanga Nyolo, un officier déserteur de l'armée régulière (comme la plupart des rebelles), issu d'une branche du RCD-KML. Comme bon nombre de nouvelles rébellions, l'URDC se dit "en contact" avec le M23, le "mouvement-phare" du Nord-Kivu. Le RCD-KML a rejeté la paternité du groupe et a toujours nié tout rapprochement avec le M23, formé de déserteurs de l'armée et soutenu par le Rwanda voisin. L'URDC revendique "la réhabilitation de la démocratie et de la vérité des urnes", entendez le départ de Joseph Kabila.

Le semaine dernière, un autre groupe armé a vu le jour dans le territoire de Shabunda au Sud-Kivu : les Raïa Mukombozi, un groupe d'auto-défense Maï-Maï issu des Raïa Mutomboki, qui contrôlent de nombreux sites miniers. Ce nouveau mouvement, entré en dissidence il y a quelques semaines, souhaite combattre les Raïa Mutomboki et s'emparer de leurs territoires, riches en minerais. Le contrôle des ressources naturelles du sous-sol congolais constitue l'une des causes du conflit au Nord et Sud-Kivu. S'il ne constitue pas le moteur de la guerre, il en est assurément le principal carburant.

Une armée congolaise en décomposition

La focalisation de la communauté internationale et des médias sur la rébellion du M23, cache une réalité plus complexe sur le terrain. La prolifération de ces mouvements révèle avant tout les carences de l'Etat dans les provinces et particulièrement l'absence d'une armée digne de ce nom. Faute de moyens, de paie et d'un véritable commandement, les FARDC, sont toujours incapables d'assurer la sécurité de la population. Pire, l'armée régulière se rend également coupable de nombreuses exactions sur les civils.

Une trentaine de factions se battent désormais dans les Kivus depuis l'apparition du M23. Le retour de la guerre a favorisé la création de nouvelles rébellions qui profitent du chaos ambiant pour régner en maître sur les territoires... et leurs richesses. Des alliances se sont créées entre ces mouvements, souvent contre-nature. Le M23, dont le nombre d'hommes oscillerait entre 1000 et 2000 hommes a été rejoint par plusieurs groupes d'auto-défense, comme les Pareco, les Pareco Fort, les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï La Fontaine ou les Raïa Mutomboki. Au Sud-Kivu, on trouve les Maï-Maï Yakutumba, les Maï-Maï Nyatura et les Mudundu 40. En Ituri, les FRPI, du chef milicien Cobra Matata règnent sur la région, contrôlent les taxes et l'argent du Trésor. Au Kasaï-Oriental, le colonel Tshibangu a fait défection de l'armée régulière et a tenté une offensive début octobre.

FDLR  : supplétifs de l'armée congolaise ?

Face à ces multiples rébellions hostiles à Kinshasa, on trouve d'autres rebelles : les FDLR. Le plus grand groupe armé présent à l'Est, est composé aujourd'hui d'environ 3000 hommes (contre 7000 il y a encore quelques années). Ce mouvement rassemble des Hutus rwandais et des Congolais, opposés au régime rwandais de Paul Kagame, depuis la fin du génocide de 1994. Défendant les intérêts hutus et combattant les minorités tutsies congolaises (défendues par le M23) les FDLR ont été longtemps utilisés comme supplétifs à l'armée régulière. Aujourd'hui encore, le M23 accuse le gouvernement congolais d'utiliser les FDLR pour les combattre au Nord-Kivu.

Objectif commnun : le départ de Joseph Kabila

Dans ce chaos permanent depuis presque 20 ans, les deux Kivus restent le "terrain de jeu" idéal des "aventuriers" divers et des "apprentis rebelles". Si chacun de ces mouvements ne représentent tout au plus qu'une centaine d'hommes, des alliances se nouent et se coordonnent de plus en plus. Pour l'instant leurs znoes d'influences ne dépassent pas quelques territoires. Mais dans ces mouvances rebelles, seul le M23, toujours installé aux portes de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, est en mesure d'ébranler le régime de Joseph Kabila. Signe des temps et de la montée en puissance du mouvement : la majorité des nouveaux groupes armés se sont rapprochés du M23. Le Mouvement du 23 mars peut désormais compter sur ces alliés (certes de circonstances) pour gagner des régions, les placer sous contrôle et fragiliser ainsi l'autorité de Kinshasa. Car cet assemblage hétéroclite de rébellions partage au moins un objectif commun : le départ du président Joseph Kabila.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : © Ch. Rigaud - Kinshasa 2006 - www.afrikarabia.com

27 octobre 2012

Burundi : Vers une dérive autoritaire ?

A la veille de la conférence de Genève des partenaires au développement du Burundi, International Crisis Group (ICG) s'inquiète de la dérive autoritaire du gouvernement et du retour de la violence politique. ICG accuse Bujumbura d'avoir mis en coupe réglée les institutions et rompu le dialogue avec l'opposition. Une dégradation politique qui "risque de compromettre la préparation des élections de 2015".

Capture d’écran 2012-10-27 à 23.30.40.pngLes 29 et 30 octobre prochains, se tiendra à Genève une conférence des donateurs du Burundi. L'objectif affiché par les autorités burundaises est de permettre aux potentiels investisseurs "de saisir les enjeux et les opportunités  liés au développement futur du Burundi". Le président Nkurunziza souhaite par la même occasion, financer  le CSLPII, le cadre stratégique pour la lutte contre la pauvreté. Mais le contexte est délicat.

Au Burundi, la situation politique ne s'est toujours pas normalisée depuis les élections de 2010. Le boycott du scrutin par l'opposition et la "mainmise du gouvernement sur les institutions" avaient généré des violences "alimentées aussi bien par le pouvoir que l'opposition". Plusieurs responsables de l'opposition se sont exilés, les groupes armés ont fait leur retour, la répression et l'intimidation aussi.

Le dernier rapport d'International Crisis Group (ICG) dénonce le "monopartisme de fait" du CNDD-FDD, le parti majoritaire du président Nkurunziza. Un parti omniprésent dans les institutions burundaises, caractérisé par "la fin du dialogue" entre l’opposition et la majorité. Selon ICG, "le système de partage du pouvoir conçu à Arusha", aurait été "vidé de sa substance" et se traduit par "le retour de la violence politique"… de bien mauvaise augure pour les prochaines élections fixées en 2015.

Selon International Crisis Group, la seule porte de sortie de la crise qui couve à Bujumbura passe par la reprise d'un "dialogue inclusif", le respect de la minorité politique et la garantie du pluralisme. Le gouvernement burundais doit également "mettre l'accent sur le retour des dirigeants de l'opposition" actuellement en exil. A l'opposition, ICG demande également de prendre ses responsabilités et de "renoncer à la violence" et à ne pas "remettre en cause les résultats des élections de 2010". Crisis Group dénonce enfin les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse au Burundi. Les responsables de médias et les journalistes proches de l'opposition sont régulièrement convoqués par le parquet. ICG souhaite que la communauté internationale et en particulier les Etats-Unis, l'ONU et l'Union européenne, prennent "publiquement position pour la dépénalisation des délits de presse" et favorisent "le pluralisme des médias".

Les autorités burundaises n'ont pas tardé à répondre au rapport du think tank. Bujumbura rejette en bloc les accusations d'ICG. Sur le respect des accords d'Arusha, le gouvernement qualifie l'analyse du centre de recherche d'"anachronique" et explique que "l’environnement des négociations a évolué, en même temps que les acteurs". Selon Bujumbura, "les équilibres prônés par ces accords tant sur le plan ethnique que du genre sont rigoureusement respectés au niveau de toutes les institutions". Alors qu'International Crisis Group demande aux bailleurs de faire pression et de veiller au retour du dialogue politique au Burundi, le gouvernement souhaite que ses partenaires "tiennent compte des véritables avancées du Burundi dans son programme de reconstruction".

Après deux ans d'impasse politique et une opposition "affaiblie", le Burundi est à la croisée des chemins. Le rapport d'ICG tente de montrer qu'une "ouverture est possible" et que la préservation des acquis d'Arusha est une nécessité pour réussir une véritable "consolidation de la paix"… les futurs donateurs et investisseurs de la conférence de Genève sont désormais prévenus.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Le rapport complet d'International Crisis Group est téléchargeable ici.

23:16 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0)

25 octobre 2012

Doing Business 2013 : La RDC à la traîne

Classée 181ème pays sur 185, la République démocratique du Congo (RDC) peine à améliorer son climat des affaires. La RDC perd une place dans le nouveau classement de la Banque mondiale. Corruption et mauvaise gouvernance expliquent les mauvais résultats de la RDC. Le gouvernement congolais promet que les réformes en cours porteront leurs fruits sur le classement 2014.

Capture d’écran 2012-10-25 à 21.13.49.pngCantonnée au fond du classement Doing Business depuis plusieurs années, la République démocratique du Congo recule d'une place dans l'édition 2013. La RDC est placée à la 181ème position sur 185. Le classement de la Banque mondiale est basé sur dix indicateurs : la création des entreprises, l'octroi des permis de conduire, le raccordement à l'électricité, le transfert des propriétés, l'obtention des prêts, la protection des investisseurs, le paiement des impôts, le commerce transfrontalier, l'exécution de contrat et le règlement de l'insolvabilité.

Les raisons du mauvais climat des affaires qui règne en RDC sont connues depuis longtemps : corruption et mauvaise gouvernance. En République démocratique du Congo, les surcoûts associés à la corruption se chiffrent entre 30 à 40% de la valeur de la transaction, alors qu'ils ne sont que de 10 à 30% dans le reste de l'Afrique. Dans le pays, 90% de l'économie est dite "informelle" et seulement 400.000 comptes bancaires sont ouverts pour pratiquement 70 millions d'habitants.

Selon l'économiste congolais, Oasis Kodila Tedika, la corruption est inscrite dans les moeurs du Congo et touche toutes les strates de la société. Au niveau de l'Etat, Oasis Kodila Tedika, estime que 55% des recettes échappent au Trésor congolais à cause de la fraude fiscale liée à la corruption. Le manque à gagner serait estimé à 800 millions de dollars, soit environ 12% du PIB du pays.

Le rapport du conseiller anti-corruption des Nations unies, en visite dernièrement à Kinshasa, ne laisse entrevoir aucun progrès en matière de lutte anti-corruption. "Les résultats ont été mitigés. L’une des raisons majeures est le manque de volonté politique pour lutter contre la corruption, même au plus haut niveau de l’Etat", a affirmé le professeur Muzong sur Radio Okapi.

Pourtant, le gouvernement congolais affirme avoir fait de nombreux efforts. Plusieurs réformes ont été lancées récemment : un nouveau code des douanes, la mise en place récente de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), ainsi qu'un "remodelage" du code minier de 2002. Les autorités congolaises ont également mis en place récemment un Comité de pilotage pour l'amélioration du climat des affaires et des investissements (CPACAI). En avril, la RDC a aussi adhéré à l'OHADA, l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. Le Comité de pilotage estime que la RDC est "sur la bonne voie" et que "le rapport Doin Business 2014 sera totalement différent. Des réformées courageuses ont été initiées". Prenons donc rendez-vous pour l'année prochaine. Mais, pour ne parler que du code des douanes, sa réforme était déjà en cours en 2005, lors de mon premier voyage en RDC, sous la houlette du ministre des finances de l'époque, André-Philippe Futa. Et depuis cette date… peu de progrès ont été réalisés.

Paradoxe du classement, le Rwanda voisin est classé dans les 3 pays d'Afrique les mieux placés. Le Rwanda est également cités en exemple par la Banque mondiale pour sa réussite économique. Kigali est surtout accusé par un rapport des Nations-unies de soutenir la rébellion du M23 à l'Est et de "s'approvisionner" en matières premières dans les Kivus, riches en minerais… ceci explique peut-être cela.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Le rapport Doing Business est téléchargeable ici.

22 octobre 2012

RDC : Le M23 élargit ses alliances militaires

Le mouvement rebelle M23 a réorganisé ce week-end sa branche armée. L'Armée nationale congolaise (ANC), l'aile militaire de l'ex-CNDP a été rebaptisée Armée révolutionnaire du Congo (ARC). Un changement de nom qui officialise les nouvelles alliances du M23 avec d'autres groupes armés comme les Pareco ou les Raïa Mutomboki.

Capture d’écran 2012-10-22 à 22.10.25.pngLes changements de sigles des mouvements rebelles sont légions en République démocratique du Congo  (RDC). Une habitude qui traduit les multiples renversements d'alliances entre groupes armés, mais aussi la volonté de brouiller les pistes quand les circonstances l'exigent. Rien de tout cela dans la transformation de l'ANC (Armée nationale congolaise) en ARC (Armée révolutionnaire du Congo), mais la nuance est subtile et mérite une explication. Même la dépêche de l'AFP annonçant la nouvelle, se prend les pieds dans le tapis en affirmant que "le M23 devient l'Armée révolutionnaire du Congo". Renseignements pris auprès du M23, le Mouvement du 23 mars garde bien son nom, seule sa branche militaire est rebaptisée.

L'ANC était en effet le "bras armé" de l'ex-CNDP, une ancienne rébellion dont est issu le M23. Les rébellions ont toujours eu un malin plaisir à dissocier les branches militaires et politiques de leurs mouvements, même si le politique est le plus souvent une simple marionnette aux mains des militaires. Si le M23 est essentiellement composé d'ex-membres du CNDP, son aile militaire, l'ANC, n'était plus représentative des nombreuses alliances liées par le M23 avec les autres groupes armés du Nord-Kivu. La création de l'ARC ce week-end répond donc à une nouvelle donne militaire. L'Armée révolutionnaire congolaise, la nouvelle structure, prend donc en compte les nouveaux alliés du M23. Dans cette liste non exhaustive on trouve de nombreux groupes d'autodéfense congolais, comme les Pareco (Patriotes Résistants Congolais), les Pareco Fort, les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï La Fontaine ou les Maï-Maï Mutomboki. Si l'alliance de ces groupes hétéroclites peut paraître "de circonstance", ils ont tous au moins un point commun : la lutte contre le régime de Joseph Kabila et la volonté de le renverser.

Autre nouveauté au sein du M23. Samedi à Bungana, en plein fief rebelle, le président du mouvement, Jean-Marie Runiga, a également annoncé la nomination du colonel Sultani Makenga au rang de "général de brigade". Une manière d'officialiser le leadership de Makenga sur les autres groupes armés, commandés de nombreux "colonels".

La création de l'ARC et l'élévation de Makenga au grade de général de brigade constituent deux signaux forts en direction de Kinshasa, alors que les négociations ne sont toujours pas entamées à Kampala. Premier signal : le M23 possède des alliés capables de le suivre au cas où les choses tourneraient mal sur le terrain militaire. Deuxième signal :  Sultani Makenga et les "militaires" du mouvement sont bien les maîtres de la rébellion et sont visiblement prêts à en découdre avec Kinshasa. Depuis 3 mois, le M23, qui contrôle une partie du Nord-Kivu, attendait une avancée diplomatique ou un geste de Kinshasa, qui n'est finalement jamais venue. Un officier rebelle nous confiait qu'il s'agissait de "3 mois perdus" et cachait mal son impatience. Au Nord-Kivu, la situation militaire est toujours figée. Jusque quand ? Le M23 campe à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma, qu'ils menacent de prendre. Dans un communiqué, les autorités congolaises ont dénoncé samedi de nouveaux mouvements de troupes de l'armée régulières rwandaises à Rutshuru, un des fiefs du M23. Le porte-parole du gouvernement accuse le Rwanda de venir en aide aux rebelles et de préparer une nouvelle attaque dans cette zone. Le Rwanda a de nouveau été accusé par un rapport de l'ONU de soutenir le M23. Il est donc fort à parier que le statu quo ne tiendra pas longtemps.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Site internet du M23 © DR