20 juillet 2012
RDC : Risque de nettoyage ethnique à Walikale ?
En marge des combats qui opposent les rebelles du M23 et l'armée régulière à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), des groupes d'auto-défense congolais se livrent à une "chasse aux rwandophones" à Walikale. Cette situation inquiétante, pourrait servir de prétexte à une intervention de l'armée rwandaise en territoire congolais.La situation sécuritaire se complexifie au Nord-Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Un premier front est apparu il y a trois mois, entre la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, et l'armée congolaise (FARDC) à Bunagana et sur l'axe entre les villes de Rutshuru et Goma. Les rebelles contrôlent plusieurs localités et menacent désormais Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Au coeur du conflit : la place et la sécurité de la communauté rwandophone dans les Kivus. Le M23 se veut le porte-étendard de la communauté tutsie de la région, en proie aux attaques des FDLR, un groupe armé composé de hutus rwandais.
Depuis quelques jours, un nouveau front occupe l'armée congolaise, 150 km plus à l'Ouest, dans la ville de Walikale. Mardi 17 juillet, un groupe d'auto-défense Maï-Maï, baptisé Raia Mutomboki a pris le contrôle de la ville. Venus du Sud-Kivu, ce mouvement fait actuellement route vers le Nord, pour se battre contre le M23 dans son fief de Bunagana. Dans cette "logique", les Raia Mutomboki se sont livrés à une véritable "chasse aux rwandaphones", tutsis et hutus confondus, dans les rues de Walikale. La BBC et Radio Okapi, qui ont pu joindre des témoins sur place, racontent des scènes de paniques et confirment les exactions des miliciens Maï-Maï. La BBC, explique que l'ONG Médecins Sans Frontières n'est plus capable de venir en aide à la population et envisage de quitter Walikale si la situation se dégradait. Selon Radio Okapi, 48 "hutus rwandais", victimes de Raia Mutomboki, ont été évacués par les casques bleus de la Monusco, vers la ville de Goma dès mercredi. Les témoins décrivent "avoir vu de leurs yeux les miliciens égorger des gens".
L'entrée de ce groupe Maï-Maï dans le conflit inquiète les observateurs internationaux. "La chasse aux rwandophones" dans la région risque de donner le signal de départ à un "nettoyage ethnique" en règle de tout se qui ressemble de près ou de loin à un "rwandais", sachant que depuis des dizaines d'années, les Kivus ont toujours été une zone d'échanges intenses entre le Rwanda et le Congo. Certains spécialistes de la région craignent que ces massacres donnent également "une vraie excuse au Rwandais pour entrer en RDC" et venir défendre les rwandaphones des Kivus.
Christophe RIGAUD
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17 juillet 2012
Pourquoi la stabilisation de la RDC est un échec ?
Le retour de la guerre dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) signe un nouveau constat d'échec des multiples programmes de "stabilisation" menés par le gouvernement congolais et la communauté internationale. Dans un rapport détaillé, l'ONG Oxfam analyse les raisons de ces "tentatives infructueuses" pour ramener la paix en RDC. Pour 80% des Congolais interrogés par Oxfam, "leur sécurité n'est pas assurée". Le rapport avance également des solutions.Depuis trois mois, une nouvelle rébellion, le M23, affronte les forces gouvernementales dans le Nord-Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les rebelles tiennent la ville frontière de Bunagana et se trouvent désormais à une trentaine de kilomètres de la capitale provinciale, Goma, qui craint de tomber aux mains du M23.
Pourtant, depuis 10 ans, la RDC est censée être en paix. La deuxième guerre du Congo s'est achevée en 2002 avec quelques millions de morts au compteur (personne ne dispose d'ailleurs de chiffres fiables) et des accords de paix. Depuis cette date, la paix se fait toujours attendre en RDC et principalement à l'Est du pays, dans les Kivu. En 2008, puis en 2012, des rébellions ont agité la région alors que des groupes armés terrorisent quotidiennement les populations civiles. La dernière rébellion en date est partie d'une mutinerie d'éléments de l'armée, issus de l'ancienne rébellion du CNDP.
Dans le rapport d'Oxfam (téléchargeable ici), l'ONG dresse un bilan peu flatteur des deux programmes de "stabilisation" censés ramener la paix, la sécurité, le rétablissement de l'autorité de l'Etat et le retour des réfugiés. Il s'agit des programmes STAREC (stabilisation et reconstruction des zones sortant des conflits armés) et ISSSS (stratégie internationale de soutien à la sécurité et la stabilisation). L'ONG a mené plusieurs enquêtes en 2011, sur le terrain, dans les zones de conflit (Ituri, Province orientale, Nord-Kivu… ), mais aussi à Kinshasa. Selon Oxfam, "ces programmes ont eu des résultats très limités" et n'ont pas "amélioré de manière significative la sécurité de la population ou rétabli les capacités de l'État à en assurer la sécurité et à fournir d'autres services". Pour 80% des personnes interrogées par l'ONG, "leur sécurité n'est pas assurée".
A l'Est du pays, là où la situation est la plus délicate, les programmes STAREC et ISSSS ne sont "pas parvenus à des améliorations tangibles avec les groupes armés" et "n'ont pas résolu les problèmes de cohésion et de rémunération au sein de l'armée, ni les abus de celle-ci, dont le comportement varie énormément d'une zone à l'autre". L'autorité de l'Etat, quasi absente dans cette partie du territoire, n'a pas été restaurée, selon l'étude d'Oxfam. "La rémunération appropriée des forces de sécurité de l'État reste largement problématique (…) Selon les dernières informations datant du milieu de 2011, 55 % des policiers déployés le long des axes routiers identifiés comme prioritaires par l'ISSSS dans le Nord-Kivu et le Sud Kivu n'étaient pas salariés de l'État", explique l'ONG.
Quelles sont les raisons de ces échecs ? Le rapport pointe "le manque de soutien solide du Gouvernement national de la RDC, qu'il soit financier ou politique" : "les fonds alloués au fonctionnement de STAREC en 2011 représentaient moins d'un quart du montant consacré à l'entretien de la résidence officielle du Premier ministre" (20 millions de dollars, ndlr). Oxfam dénonce également "un soutien international insuffisant" et "l'absence de position internationale forte". La Monusco (la mission de l'ONU en RDC) n'est pas en reste : "la Monusco n'a pas avancé de vision stratégique avec un plan de stabilisation plus large qui
renforcerait la cohérence de ses autres activités en soulignant en quoi elles contribuent à la stabilité".
Selon Oxfam, un "nouveau souffle est nécessaire". L'ONG note un certain "désenchantement" (le terme est diplomatique) des donateurs de la RDC, "tout à fait compréhensible". Mais "baisser les bras au Congo condamnerait des millions de Congolais à une violence et une pauvreté persistantes. Cela laisserait également libre cours à une instabilité dangereuse", explique pourtant Oxfam.
Quelques solutions sont avancées par ce rapport. Elles sont connues, mais il est toujours bon de les rappeler :
- un soutien plus fort de la part du Gouvernement de la RDC,
- un soutien international plus fort et plus coordonné,
- une plus grande implication de la population locale et de la société civile.
D'autres recommandations sont promulguées, plus techniques. Retenons tout de même la nécessité "d'organiser des réunions des comités de pilotage et de suivi du programme STAREC, décrire en quoi la mission des Nations Unies et les activités de la communauté internationale hors ISSSS contribuent à un plan de stabilisation plus large", mais aussi la réalisation des lois de décentralisation (l'autonomie des provinces, qui se trouve être l'une des revendications du M23). Concernant la communauté internationale, Oxfam demande notamment d'accroître et d'adapter les financements, mais aussi de renforcer le contrôle sur l'utilisation des fonds.
Pour l'heure, toutes ces recommandations s'apparentent à des voeux pieux. Depuis les élections de 2006, voir même depuis 2001, un bon nombre de ces avis sont restés lettres mortes… problème de "gouvernance" selon une expression pudique. Le rapport d'Oxfam donne une partie de la réponse à l'échec de la communauté internationale en RDC. Son rapport s'intitule : "Pour moi mais sans moi, c'est contre moi"… c'est exactement ce que pense une majorité de Congolais, gouvernement compris.
Christophe RIGAUD
Photo : Casque bleu de la Monusco à Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
03:06 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (5)