14 juin 2012
RDC : L'UDPS, l'APARECO et l'ARP s'unissent à Paris
Le front anti-Kabila s'organise depuis la capitale parisienne. L'UDPS d'Etienne Tshisekedi, l'APARECO d'Honoré Nbganda et l'ARP du général Faustin Munene ont tenu pour la première fois une conférence de presse commune jeudi 14 juin 2012. Ces mouvements d'opposition, politiques et militaires, ont lancé un appel à la "libération du pays de l'occupation étrangère" et à "l'instauration d'une véritable démocratie" en RDC. Objectif annoncé : mobiliser les Congolais de l'intérieur.Candide Okeke, la représentante de l'APARECO, prévient : "l'heure est grave". Après le "fiasco électoral" et "les fraudes massives" de novembre 2011, le constat est sans appel : "ce ne sont plus les élections qui vont libérer le pays aujourd'hui, alors nous devons créer une synergie pour la libération du Congo". Autour de l'APARECO, on trouve un représentant de l'UDPS France, le premier parti politique d'opposition en RDC et l'ARP, un mouvement armé insurrectionnel, dirigé par le général Faustin Munene qui a pris le maquis depuis 2010. A première vue, cette coalition peut paraître hétéroclite. Entre l'UDPS, le parti politique historique de l'opposition congolaise, plutôt "pacifique" et "fédéraliste" et l'APARECO tenu par l'ancien "monsieur sécurité" du Maréchal Mobutu (Honoré Nbganda), qui prône un Congo "fort et unitaire" et un général rebelle, ancien allié de Kabila père et de l'Angola… l'attelage peut surprendre.
Très rapidement, Candide Okeke met les choses au clair : "nous ne représentons pas l'opposition, nous représentons la Résistance. Nous sommes en dehors du système. Nous menons un combat de libération". Et de préciser : "nous avons des différences entre nous, mais nous n'avons qu'un seul pays !". Selon le secrétaire Général de l’ARP, Fanfan Longa Fuamba, "cette déclaration commune est un signal fort pour harmoniser nos différences". Les divergences balayées, la nouvelle coalition se focalise ensuite sur les convergences, avec un seul mot d'ordre : haro sur Joseph Kabila.
En trois points, la déclaration conjointe de l'UDPS, de l'APARECO et de l'ARP dénonce le "holdup électoral" de novembre 2011 et les élections "entachées de fraudes massives", de nombreuses irrégularités et "de multiples violation des droits de l'homme". L'alliance pointe ensuite l'insécurité à l'Est et les guerres à répétition au Nord et Sud Kivu et accuse l'ingérence rwandaise et "le projet secret de balkanisation et d'annexion" de la région. Troisième sujet de préoccupation : la tenue du Sommet de la Francophonie en RDC du 12 au 14 octobre 2012. Dans leur déclaration commune, l'UDPS l'APARECO et l'ARP demandent "l'annulation ou la délocalisation du Sommet" comme cela a été le cas en 1994 avec le Sommet de la Baule. Si le Sommet de tenait tout de même, le "groupe des trois" appellera "les forces vives de la RDC à se mobiliser pour empêcher par tous les moyens le déroulement paisible" du Sommet à Kinshasa. Candide Okeke espère que François Hollande ne se rendra pas à Kinshasa en octobre. Le président français vient d'ailleurs d'annuler sa présence en Ukraine lors de l'Euro de football pour dénoncer les violations des droits de l'homme dans le pays.
Conférence de presse commune UDPS-APARECO-ARP... par ChristopheRigaud
Les participants la conférence de presse commune UDPS, APARECO, ARP, ont tout fait pour axer leur discours sur les atouts de l'alliance : à l'UDPS le rôle politique et la mobilisation populaire, à l'APARECO la résistance, le renseignement et la diaspora, à l'ARP le rôle militaire… ils seraient donc complémentaires. Si la coalition APARECO/ARP semble naturelle, la présence de l'UDPS l'est moins. L'absence du propre fils d'Etienne Tshisekedi, Félix, pourtant annoncé à la conférence de presse, et l'embarras du représentant de l'UDPS aux questions liées à la l'utilisation de la force par l'ARP laissaient une drôle d'impression. Nouveau grand écart politique de l'UDPS ? Stratégie de la dernière chance ? Seule une prise de position d'Etienne Tshisekedi lui-même pourra dissiper tout ambiguité.
Christophe RIGAUD
Regardez les interviews de Candide Okeke de l'APARECO, Fanfan Longa Fuamba de l'ARP et d'Edouard Olito Maludji de l'UDPS France.
L'UDPS, l'APARECO et l'ARP s'unissent à Paris 14... par ChristopheRigaud
23:57 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (7)
13 juin 2012
RDC : Kivu, une guerre qui va durer
Depuis plus de deux mois, de violents combats opposent l'armée congolaise aux mutins du général Bosco Ntaganda et au groupe rebelle du M23 à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'ONU, Human Rights Watch et les autorités congolaises accusent le Rwanda de venir en aide aux rebelles. Alphonse Maindo, professeur en Sciences politiques à l'université de Kisangani, revient d'une mission de recherche à Bukavu et Goma. Pour ce spécialiste de la région, "le Rwanda est en quête d'un nouvel homme fort dans les Kivu" et ni l'armée congolaise, ni la mission des Nations unies n'arrivent à ramener la paix, "le conflit dans les Kivu va durer encore longtemps". Explications.- Afrikarabia : Avez-vous été surpris par les rapports de la Monusco et de Human Rights Watch qui accusent le Rwanda de soutenir les rebelles congolais de Bosco Ntaganda et du M23 ?
- Alphonse Maindo : Je n'ai pas de tout été étonné par ces rapports. Cela ne fait que confirmer tout ce qui se dit déjà au Nord et au Sud-Kivu.
- Afrikarabia : Quel est l'objectif du Rwanda en aidant les mutins ?
- Alphonse Maindo : On peut trouver derrière ce soutien du Rwanda aux rebelles du M23 la quête d'un nouvel homme fort, comme cela a été le cas avec Laurent Nkunda (hors-jeu depuis son arrestation en 2009 par le Rwanda, ndlr) et maintenant Bosco Ntaganda. Aujourd'hui Bosco Ntaganda est devenu infréquentable (il est recherché par la Cour pénale internationale, ndlr). Il a perdu la protection du gouvernement congolais, sous la pression internationale à la suite de la contestation des élections, et maintenant Kinshasa est obligé de faire un geste envers la communauté internationale. Le Rwanda doit maintenant trouver un autre homme fort pour remplacer Bosco Ntaganda. C'est la raison de l'émergence de la rébellion du M23, avec à sa tête le colonel Makenga, qui devrait prendre la place de Ntaganda. Le Rwanda se doit de garder des alliés dans la région (pour des raison sécuritaire mais aussi économique, ndlr), alors d'un côté il allume le feu et en même temps il se présente comme le pompier qui va tout arranger. Ce n'est malheureusement pas le premier à le faire dans la région, Mobutu l'a déjà fait par le passé.
- Afrikarabia : Pourquoi l'armée régulière congolaise (FARDC) n'arrive pas à venir à bout de ces quelques centaines hommes (on parle de 500 mutins) retranchés dans les collines du Nord-Kivu ?
- Alphonse Maindo : Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord des raisons techniques. Nous avons au Nord-Kivu, des soldats congolais qui ne maîtrisent pas bien le terrain qui est très difficile d'accès. Face aux FARDC, on trouve des mutins qui connaissent très bien la région, ce sont des enfants du coin, ils sont nés ici. En plus, ils ont eu le temps de se préparer au conflit. Les mutins occupent des collines et il est très difficile de les déloger. Ils bénéficient également des soutiens de leurs proches qui sont dans la région. Le M23 a également trouvé réfuge "à cheval" sur les frontières entre la RDC, le Rwanda et l'Ouganda, ce qui lui permet de trouver facilement de l'aide, des armes et des vivres.
Du côté de l'armée régulière congolaise, les troupes proviennent de Kindu, dans la province du Maniema (à plusieurs centaines de kilomètres des zones de combats, ndlr). Ils ne connaissent donc pas le terrain. Lors de ma mission à Goma le mois dernier, j'ai appris que les soldats congolais auraient refusé d'aller se battre sur le front. Une des raisons serait la suivante : il y a plusieurs semaines, ces soldats avaient encerclé la ferme de Bosco Ntaganda dans le Masisi et attendaient l'ordre de leur hiérarchie pour lancer l'assaut final et capturer le général rebelle. Et visiblement, on leur a demandé de stopper l'offensive, ce qui expliquerait leur mécontentement. Selon ces soldats, ce n'est pas la première fois que ce genre de contre-ordre est donné, y compris au moment de la rébellion de Laurent Nkunda (en 2008, ndlr).
- Afrikarabia : Pourquoi les casques bleus de la Monusco, pourtant très présents dans la région, n'arrivent pas à ramener la paix ?
- Alphonse Maindo : Pour la Monusco, les raisons sont différentes. Contrairement aux FARDC, les casques bleus ont les moyens de combattre. Les soldats de la Monusco sont bien équipés, bien payés, ce qui n'est pas le cas de l'armée congolaise. La Monusco devrait faire la différence sur le terrain. Pourquoi n'y arrivent-ils pas ? Tout d'abord, les règles d'engagement sont trop complexes à appliquer. Comme toutes les opérations de maintien de la paix, il faut de nombreuses autorisations pour ouvrir le feu. Ces autorisations viennent de New-York, puis des commandements des pays qui sont engagés sur le terrain... c'est trop complexe. Ensuite, il ne faut pas oublier que ce sont des troupes qui viennent de pays en voie de développement. Les soldats de ces pays viennent là pour gagner un peu d'argent et pour en profiter, il vaut mieux revenir de sa mission vivant plutôt que mort... ce qui est normal ! Cette notion joue sur l'engagement des troupes sur le terrain. Les Etats-majors veulent également minimiser les pertes humaines dans leurs rangs et cela explique que la Monusco s'engage le moins possible face aux groupes armés. Alors évidemment on peut changer le mandat de la Monusco, mais je ne vois pas ce que l'on pourrait donner de plus à ce mandat. Ils ont déjà tout. Les brigades de la Monusco qui sont au Kivu et en Ituri ont les outils juridiques qui permettent un réel engagement militaire pour imposer la paix.
- Afrikarabia : Est-ce que ce conflit peut durer longtemps ?
- Alphonse Maindo : Je crains que cela dure très longtemps. Il sera difficile de déloger ces rebelles des collines du Nord-Kivu. La stratégie du M23 et de Bosco Ntaganda est de tenir le plus longtemps possible. Je pense également qu'il sont en train de s'organiser aujourd'hui pour passer à l'offensive pour récupérer du matériel et des armes. Et comme ils sont adosser à la frontière rwandaise, où il y a du trafic d'armes de toutes sortes... ils tiendront longtemps.
- Afrikarabia : Qu'est-ce-qui peut faire évoluer la situation et apaiser les tensions à l'Est de la RDC ?
- Alphonse Maindo : Deux éléments pourraient faire évoluer la situation. Tout d'abord une forte pression de la communauté internationale. Et il faut frapper là où ça fait mal. Les deux principaux acteurs de ce conflit, le Rwanda et la RDC, vivent pour plus de 50% de l'aide internationale. Si on donne un signal clair pour dire : "stop ! sinon on coupe les vivres", je crois que les gouvernements vont y réfléchir à deux fois avant de laisser pourrir la situation. Deuxième élément : il faut susciter l'intérêt de cette communauté internationale et seuls les Congolais eux-mêmes peuvent le faire. Ils doivent se mobiliser massivement pour dire : "on veut la paix !". Je pense que cela peut éveiller la conscience de la communauté internationale.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD
Photo : Alphonse Maindo à Paris en juin 2012 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
Alphonse Maindo est l'auteur de :
"L"état à l'épreuve de la guerre en Afrique centrale"
Ed. Universitaire européennes
Avril 2012 - 580 pages - 98 euros
21:43 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (9)
12 juin 2012
RDC : "La Monusco a perdu sa crédibilité" selon Louise Arbour
Alors que l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est toujours en proie à de violents combats entre rebelles et forces gouvernementales, le mandat de la Monusco arrive à son terme le 30 juin 2012. Dans une lettre ouverte au Conseil de sécurité, la présidente d'International Crisis Group (ICG), Louise Arbour, dénonce les échecs de la mission des casques bleus en RDC et demande de "réorienter les efforts de la Monusco" sur le terrain.La région des Kivus, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est à nouveau le théâtre de violents affrontements depuis la défection, début avril, de centaines de soldats qui ont rejoint le général mutin en fuite Bosco Ntaganda, recherché depuis 2006 par la Cour pénale internationale (CPI). Selon Louise Arbour, la présidente d'International Crisis Group (ICG), l'histoire à tendance "à se répéter" dans cette zone. En 2008, déjà, un autre général rebelle, Laurent Nkunda (dont Ntaganda était l'adjoint) défiait par les armes Kinshasa, au Nord-Kivu. En 2012, les combats entre les mutins de Ntaganda et du M23, un mouvement rebelle associé, ont provoqué la fuite de plus de 200.00 Congolais au cours des deux derniers mois. Le plus étonnant, c'est que ce drame se déroule devant la plus importante mission de casques bleus dans le monde, la Monusco, qui semble assister impuissante à la lente descente aux enfers des populations civiles.
Dans une lettre ouverte au Conseil de sécurité des Nations-Unies, Louise Arbour tire la sonnette d'alarme : "la Monusco a perdu sa crédibilité et a un besoin urgent de réorienter ses efforts". "Sans approche nouvelle, la Monuco risque de devenir une coquille vide… à 1,5 milliard de dollars" explique la présidente d'ICG. Si Louise Arbour reconnait des progrès, notamment, dans la lutte contre la milice d'origine rwandaise des FDLR, la stratégie de la Monusco n'est pas la bonne. Selon elle, la Monusco a surestimé "le rapprochement entre la RDC et le Rwanda de 2009 pour contenir le conflit dans les Kivus". La mutinerie en cours est la preuve pour Louise Arbour, que "peu de progrès ont été accompli dans la stabilisation" de la région.
La présidente d'International Crisis Group (ICG) dénonce également "le soutien technique et logistique" de la Monusco dans l'organisation des "élections truquées en 2011 et l'incapacité à promouvoir avec succès le dialogue entre les parties". ICG demande des améliorations importante à la Commission électorale congolaise (CENI) et notamment la transparence dans la logistique du processus électoral.
Côté sécuritaire, Louise Arbour pointe "le manque de clarté quant à la stratégie militaire globale" de la mission de la Monusco. La réforme du secteur de la sécurité (RSS) est "vitale pour la stabilité de la RDC" et "sans engagement clair du président Kabila et de son gouvernement", cette réforme continuera à rester au point mort, estime Louise Arbour. Afin, la présidente d'ICG, demande "l'arrestation de Bosco Ntaganda et son transfert à la Cour pénale internationale (CPI)" et souhaite que le gouvernement remette en chantier "la décentralisation et la lutte contre la corruption".
Louise Arbour compte donc sur le prochain renouvellement du mandat de la mission des Nations unies, qui arrive à son terme le 30 juin 2012, pour forcer le Conseil de sécurité à repenser complètement sa stratégie en RDC. Nous l'avons vu récemment avec les dernières élections contestées de novembre ou le conflit à l'Est, la Monusco n'a jamais été mesure de peser sur le cours des événements au Congo, simplement cantonnée à un simple rôle d'observateur. Rappelons que 20.000 casques bleus sont stationnés en RDC.
Christophe RIGAUD
Photo : Casque bleu en patrouille à Kinshasa (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
12:45 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (3)