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21 juin 2012

Corruption : La RDC toujours dans le rouge

Rien n'y fait. Malgré les différents dispositifs de lutte, la corruption s'est aggravée en République démocratique du Congo (RDC), selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime. Le conseiller anti-corruption des Nations unies, en visite à Kinshasa, pointe "le manque de volonté politique (…) au plus haut niveau de l'Etat". Difficile à chiffrer, la corruption coûterait entre 400 et 800 millions de dollars à la RDC.

DSC03927filtre.jpgAvec un score de 2 sur 10 sur l'échelle de perception de la corruption, l'ONG Transparency international place la République démocratique du Congo (RDC) au 168ème rang sur 182, des pays les plus corrompus de la planète. La corruption y est même qualifiée "d'endémique". En RDC, les surcoûts associés à la corruption se chiffrent entre 30 à 40% de la valeur de la transaction, alors qu'ils ne sont que de 10 à 30% dans le reste de l'Afrique (1). Dans le pays, 90% de l'économie est dite "informelle" et seulement 400.000 comptes bancaires sont ouverts pour pratiquement 70 millions d'habitants.

Selon l'économiste congolais, Oasis Kodila Tedika, la corruption est inscrite dans les moeurs du Congo et touche toutes les strates de la société. L'économiste s'est penché sur le phénomène, en analysant l'impact de la corruption sur les transports en RDC. Les chauffeurs de taxi payent régulièrement différentes "taxes", "droits de passages" ou "pourboires" aux forces de sécurité congolaises. Ces pertes peuvent aller jusqu'à 60% des revenus moyens des chauffeurs de taxi.

Au niveau de l'Etat, Oasis Kodila Tedika, estime que 55% des recettes échappent au Trésor congolais à cause de la fraude fiscale liée à la corruption. Le manque à gagner serait estimé à 800 millions de dollars, soit environ 12% du PIB du pays.

La corruption fait aussi des ravages au plus haut sommet de l'Etat. En 2009, un rapport de l'Assemblée nationale congolaise avait épinglé le gouvernement d'Adolphe Muzito en dénonçant la "dilapidation des finances publiques". 23, 7 millions de dollars s'étaient évaporés lors de la signature d'un contrat avec un consortium chinois pour avoir accès aux gisements de cuivre et de cobalt appartenant à l'entreprise d'Etat, la Gécamines. La commission demandait aussi le remboursement de 68 millions de dollars de créances douteuses à une banque privée et 25 autres millions à une société qui avait livré du matériel "inadéquat" à la MIBA, pour l'extraction du diamant.

En 2010, le gouvernement congolais a décidé de mettre en oeuvre pas moins de 45 mesures pour lutter contre la corruption (codes miniers et forestiers, processus de Kimberley… ). La "tolérance zéro" est ensuite proclamée par le président Joseph Kabila pour lutter contre l'impunité… visiblement sans effet.

Le rapport du conseiller anti-corruption des Nations unies, en visite à Kinshasa, ne laisse entrevoir aucun progrès en matière de lutte anti-corruption. « Les résultats ont été mitigés. L’une des raisons majeures est le manque de volonté politique pour lutter contre la corruption, même au plus haut niveau de l’Etat », a affirmé le professeur Muzong sur Radio Okapi.

Le fonctionnaire onusien dénonce également « le dysfonctionnement du secteur judiciaire qui a fait que même les gens qui sont attrapés la main dans le sac peuvent s’en tirer à très peu de frais ». Le dernier rapport "Doing Business" 2012 sur le climat des affaires dans le monde, place la RDC 181ème sur 183. Le pays a perdu 2 places cette année.

Christophe RIGAUD

Photo : Entrée d'une administration à Kinshasa © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

18 juin 2012

RDC : Une loi pour réformer la CENI ?

Après les élections contestées de novembre 2011 en République démocratique du Congo (RDC), la Commission électorale (CENI) se trouve toujours sous pression internationale. L'Union européenne (UE) vient de conditionner son aide financière aux réformes pour rendre cette institution plus indépendante, crédible et transparente. Un député de l'opposition vient de déposer une proposition de loi en ce sens. "Des améliorations bienvenues" estime International Crisis Group, mais il faut aller plus loin.

ceni filtre.jpgDepuis le 5 juin, l'Assemblée nationale congolaise dispose d'une proposition de loi visant à modifier la Commission électorale (CENI). Très décriée pendant l'épisode électoral de novembre 2011, la CENI se trouve dans l'obligation d'évoluer. Après les nombreux dysfonctionnements, les irrégularités et les soupçons de fraudes massives qui pèsent sur les élections présidentielle et législatives, la Commission électorale souffre surtout d'un manque cruel d'indépendance. L'opposition accuse l'institution d'être au ordre du président (réélu) Joseph Kabila et surtout de ne pas être en mesure d'organiser un scrutin impartial correspondant aux normes internationales.

Depuis les élections contestées, la pression de la communauté internationale se fait de plus en plus appuyée. L'Union européenne (UE) vient dernièrement de conditionner son aide au processus électoral (49,5 millions d'euros pour les élections de novembre) à un renforcement des institutions et de l'état de droit en RDC. L'UE demande des réformes de fond concernant la CENI et le CSAC, ainsi que la création d'une Cour constitutionnelle.

Dans ce contexte, la proposition de loi d'Emery Okundji Ndjovu, député de l'opposition (indépendant) du Kasai Oriental tombe à point nommé. Emery Okundji propose tout d'abord une CENI "plus représentative". La nouvelle Commission électorale passerait de 7 à 22 membres, avec une égalité entre majorité et opposition (ce qui n'est pas le cas actuellement) et verrait le retour de la société civile, écartée de l'institution depuis 2010.

La proposition de loi souhaite également une CENI "plus redevable". Les partis politiques, la société civile et les bailleurs de fonds doivent être en mesure de superviser son travail. Les instances de la Commission seront élargies avec un bureau, une assemblée plénière et des commissions techniques (contre un simple bureau aujourd'hui).

Dernière amélioration de la proposition de loi : la lutte contre la corruption. La CENI devra respecter la loi sur les marchés publics et le patrimoine exhaustif de ses membres sera publié devant l'Assemblée nationale. La Cour des comptes devra enfin rendre son audit 6 mois après le dépôt du rapport général de la Commission.

Pour l'ONG, International Crisis Group (ICG), "cette proposition de loi comporte plusieurs améliorations bienvenues par rapport à la CENI en vigueur, notamment en termes de représentativité et d’équilibre politique, mais plusieurs faiblesses demeurent". ICG regrette que "les innovations en matière de contrôle financier semblent faibles (le délai de l'audit devrait être plus court)". "La proposition de loi ne devrait pas faire référence à une institution judiciaire qui n’existe pas en RDC, en l’occurrence la cour de cassation" rélève ICG et "la représentativité des femmes n’est pas précisée". Si "cette proposition de loi constitue une base de discussion intéressante, elle devrait être complétée par une réforme de la cour suprême de justice qui a joué un rôle majeur dans le processus électoral en démontrant ses lacunes et sa partialité ainsi que des garanties d’impartialité et d’incorruptibilité pour les cours d’appel qui gèreront le contentieux électoral provincial" estime International Crisis Group

Enfin, le nouveau calendrier électoral est "trop irréaliste, trop tardif et vague en ce qui concerne les scrutins locaux" selon l'ONG. En effet, "les résultats définitifs des provinciales sont prévus pour fin juin 2013, les gouverneurs pour début 2013 et les sénatoriales pour mi-août 2013. A cette date, aussi bien les assemblées provinciales que le Sénat seront inconstitutionnelles et certaines provinces s’agitent déjà (le gouverneur du Kasaï occidental vient d’être déchu par l’assemblée provinciale)".

Dernier élément, sans doute le plus important : cette proposition de loi émane de l'opposition, minoritaire à l'Assemblée. On voit donc mal comme ce projet pourrait aboutir. Pendant ce temps, la CENI, qui a promis de tenir compte des "erreurs" du scrutin de novembre, a présenté "trois nouveaux outils de gestion interne : l’organigramme, le règlement administratif et financier et le manuel de procédure de gestion du patrimoine et des ressources humaines et financières de cette institution". Des "outils" qui figuraient dans les recommandations formulées à la CENI… une goutte d'eau tant la réforme doit être profonde.

Christophe RIGAUD

RDC : Confusion à l'UDPS après l'accord avec l'APARECO et l'ARP

Nouvelle cacophonie à l'UDPS. Après la signature d'une déclaration commune à Paris entre l'UDPS, l'APARECO et l'ARP, le secrétaire général du parti d'Etienne Tshisekedi, Jacquemain Shabani, "dément toute autorisation" de son mouvement "à une telle initiative". Félix Tshisekedi a pourtant certifié sur RFI que son père "a bien donné son quitus" à cet accord, tout comme Albert Moleka, conseiller d'Etienne Tshisekedi, qui a confirmé sur France24 le rapprochement UDPS-APARECO-ARP. Qui croire ?

Edo Olito filtre.jpgTout semblait pourtant bien parti ce jeudi 14 juin. Dans un grand hôtel parisien, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), d’Etienne Tshisekedi, l’Alliance des patriotes pour la refondation du Congo (Apareco) de l'ancien mobutiste Honoré Ngbanda et l'Armée de résistance populaire (ARP) du général Faustin Munéné, ont tenu pour la première fois une conférence de presse commune. L'appel des trois mouvements d'opposition visait à mobiliser les Congolais contre le régime de Joseph Kabila. "Ce ne sont plus les élections qui vont libérer le pays aujourd'hui, alors nous devons créer une synergie pour la libération du Congo" déclarait Candide Okéké, représentante de l'APARECO.

Pourtant, plusieurs signaux laissaient entrevoir un flottement dans la position de l'UDPS. Tout d'abord l'absence de Félix Tshisekedi, un temps annoncé à la conférence de presse et remplacé par Edo Olito, le représentant de l'UDPS en France. Ensuite, la gêne à peine dissimulée d'Edo Olito sur les divergences entre les différents mouvements et notamment le recours à la force prônée par l'ARP qui ne se présentait d'ailleurs pas comme mouvement politique, mais comme un groupe militaire (dixit son secrétaire général Fanfan Longa Fuamba). Enfin, le premier document remis aux journalistes présents était signé Etienne Tshisekidi, alors que la déclaration commune diffusée ensuite sur internet était signée pour l'UDPS par Félix Tshisekedi.

Ensuite tout s'emballe. Un communiqué de l'UDPS en provenance de Kinshasa désapprouve le lendemain l'initiative. Le communiqué de presse, signé du secrétaire général du parti, Jacquemain Shabani, explique que "le président de l’UDPS (Etienne Tshisekedi, ndlr) n’a ni négocié ni signé et encore moins délégué cette prérogative à quiconque et le protocole d’alliance signé à Paris n’engage donc pas le Parti". Et de conclure : "le représentant de l’UDPS dans la fédération de France (Edo Olito, ndlr) est rappelé d’urgence en consultation à Kinshasa".

Pendant ce temps sur France24, Albert Moleka, conseiller d'Etienne Tshisekedi (et présent à la conférence commune de Paris) confirme l'accord signé entre l'UDPS, l'APARECO et l'ARP. Et Félix Tshisekedi, contacté par RFI, assure que "son père a bien donné son quitus pour cette initiative qui émane de l'extérieur" et qu'il s'agit "d'un problème communication". Qui dit vrai ?

Cela devient une habitude à l'UPDS. Le cafouillage médiatique est presque devenu la marque de fabrique du parti d'opposition congolais. On se souvient de l'épisode rocambolesque de l'avion affrété en Afrique du sud pendant la campagne électorale qui s'était vu refuser ou  non (on ne saura jamais), l'autorisation d'atterrir à Kisangani. Etienne Tshisekedi réagit de manière confuse… et tardivement. Rapidement, plus personne ne comprend rien. La même confusion interviendra lors de l'exclusion des députés UDPS qui souhaitaient siéger à l'Assemblée nationale malgré le boycott décidé par Etienne Tshisekedi.

Avec la déclaration commune de Paris, on se retrouve un peu dans la même configuration. Plusieurs membres de l'UDPS donnent des versions divergentes… Etienne Tshisekedi ne dit rien et donne l'impression de ne pas trancher. Alors qu'une simple déclaration du président de l'UDPS  suffirait à clarifier la situation.

Dernière élément qui pourrait expliquer le flottement qui règne à la tête de l'UDPS : la rumeur persistante de tensions entre Thsisekedi et Shabani au sujet d'un éventuel détournement d'argent sur la vente de cartes de membres du parti. Pour l'heure, tout le monde un signe du "patron"… qui se fait attendre.

Christophe RIGAUD

Photo : Edo Olito de l'UDPS France, Candide Okéké de l'Apareco et Fanfan Longa Fuamba de l'ARP le 14 juin 2012 à Paris (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com