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01 juillet 2012

RDC : Quand Julien Paluku joue les intermédiaires avec les FDLR

Kigali accuse le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, de coopérer avec les rebelles FDLR, en vue de reprendre des "attaques terroristes" contre le Rwanda. Dans une lettre que nous publions, Julien Paluku demandait le 19 juin l'aide de la Monusco, pour deux responsables FDLR. Pour Kinshasa, ces accusations sont "un non-sens" et visent à "détourner l'opinion" suite au rapport de l'ONU sur l'implication du Rwanda dans une mutinerie à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC).

lettre paluku.pngLa contre-attaque du Rwanda n'a pas tardé. Accusé de soutenir la rébellion du M23 au Nord-Kivu, en guerre contre Kinshasa, Kigali accuse à son tour la RDC de vouloir relancer sa coopération entre son armée et les rebelles hutus FDLR. Pour preuve, cette lettre datée du 19 juin 2012 (voir ci-contre), du gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku, au chef de bureau de la Monusco à Goma. Le gouverneur "recommande" une liste de plusieurs personnes pour embarquer à bord d'un avion des Nations unies à destination de Mutongo en territoire de Walikale. Sur cette liste, deux responsables FDLR, une milice hutue, qui menace Kigali : Faustin Murego, coordinateur des FDLR à Liège en Belgique et Joseph Nzabonimpa un ex-FAR. Si la demande a été refusée par la Monusco, cette lettre prouve pour Kigali, la connivence entre les autorités congolaises et les FDLR.

Selon Kigali, Julien Paluku aurait été chargé par le président Joseph Kabila, via son conseiller sécurité Pierre Lumbi, "d'identifier des personnalités ayant des contacts avec les FDLR". Toujours selon le Rwanda, les deux membres des FDLR, qui voyagent avec des passeports belges, auraient remis plus de 100.000 dollars à un responsable militaire du groupe à Mudacumura.

Cette lettre tombe à point nommé pour Kigali, très embarrassée par les accusations des experts de l'ONU qui viennent de démontrer l'implication du Rwanda dans les mutineries qui agitent l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Pour Kinshasa, il s'agit d'une pure diversion. Selon Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais, ces accusations sont un "non-sens",  l'armée congolaise menant une "lutte sans merci contre les FDLR" (avec jusqu'à peu, l'aide du Rwanda !). Quant à Julien Paluku, il affirme que "le gouvernement rwandais est aux abois face toute la pression internationale qui pèse sur lui".

Après deux mois d'affrontements à l'Est de la RDC, les deux voisins s'accusent désormais mutuellement de soutenir leur propre rébellion : le Rwanda soutenant le M23, le Congo, les FDLR. Une guerre entre Kinshasa et Kigali qui ne dit pas son nom, par rebelles interposés.

Christophe RIGAUD

29 juin 2012

RDC : Mystérieuse disparition d'un opposant congolais

Depuis mercredi 27 juin, l'opposant Eugène Diomi Ndongala, président de la Démocratie chrétienne est introuvable. Accusé de viol sur mineures par la police, ses proches affirment qu'il a été enlevé par des hommes armés, alors que les autorités congolaises le considèrent en cavale. Son parti dénonce une "cabale" politique (…) "pour le faire taire définitivement".

Capture d’écran 2012-06-29 à 09.47.53.pngL'affaire fait grand bruit à Kinshasa. Mardi 26 juin dans la soirée, la police a investi massivement le siège du parti de la Démocratie chrétienne (DC). Une quarantaine "d'éléments armés" sont venus surprendre Eugène Diomi Ndongala, accusé d'avoir violé deux filles mineures sur dénonciation du père des enfants. Le président de la DC n'est pas sur place.

La nouvelle se retrouve immédiatement en "une" du site internet Direct.cd, "présent sur les lieux au moment de l'événement" (hasard ou coïncidence ? l'article ne le dit pas). Le papier de Direct.cd est très circonstancié et le journaliste, vraisemblablement prévenu par les autorités congolaises, affirme que le président de la Démocratie chrétienne "a été surpris par les éléments de la police avec deux jeunes filles âgées à peine de 14 ans dans sa domicile de la Gombe".

Le lendemain, mercredi 27 juin, la Démocratie chrétienne affirme que son président se rend à la cathédrale Notre dame du Congo où il doit tenir un meeting en faveur d'Etienne Tshisekedi avec plus de 40 partis politiques d'opposition. Le parti d'Eugène Diomi explique ensuite qu'après la perquisition du siège de la Démocratie chrétienne par la police, les forces de sécurité investissent la cathédrale Notre Dame du Congo. Les policiers auraient "menacé" les curés du lieux, leur "intimant l'ordre de ne pas permettre la tenue de la manifestation de l'opposition". C'est pendant le trajet pour se rendre à la cathédrale Notre Dame, que les proches d'Eugène Diomi affirment avoir perdu sa trace.

Selon la Démocratie chrétienne : "tout est faux". Son communiqué dénonce une "cabale" politique et un "lynchage médiatique (…) pour salir l'honorabilité du président Diomi Ndongala". Les membres du parti réfutent en bloc les accusations divulguées dans la presse et affirment "qu'il est complètement faux que le Président Diomi ait été appréhendé avec des filles, car il n’était même pas présent au siège du parti au moment de la descente massive des policiers aux ordres du Colonel Kanyama". Pour la Démocratie chrétienne, le régime veut tout simplement faire payer le soutien d'Eugène Diomi à Etienne Tshisekedi, l'opposant au président Kabila et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle.

Du côté du Procureur général de la République, la version est tout autre. L'accusation de "relations sexuelles avec deux filles mineures de 15 et 16 ans" est maintenue et la justice affirme que "les victimes ont avoué les faits". Le Procureur considère donc Eugène Diomi "en cavale" et rappelle qu'il encourt une peine de 7 à 20 ans de prison et d'une amende de 800.000 à 1 million de Francs congolais.

Pour l'instant, difficile d'y voir clair dans cette disparition. Mais l'affaire Diomi intervient dans une ambiance particulièrement tendue en République démocratique du Congo (RDC). La reprise de la guerre à l'Est du pays a fragilisé un peu plus le pouvoir du président Joseph Kabila qui peine à asseoir son autorité depuis les élections. Les résultats très contestées de la présidentielle et des législatives de novembre 2011 ont laissé place à un climat politique exécrable à Kinshasa. L'Asadho, une ONG congolaise des droits de l'homme avait dénoncé (la veille de l'affaire Diomi Ndongala !) les arrestations des membres de l'opposition, proches de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi. L'Asadho s'inquiétait des arrestations multiples d'opposants politiques et des détentions illégales c'est derniers mois. Les services de renseignements congolais (ANR) sont souvent cités comme les principaux responsables de ces actes. Ce sont ces mêmes services qu'accuse la Démocratie chrétienne, de détenir Eugène Diomi Ndongala. Une plainte a été déposée à l'encontre du colonel Kanyama.

Christophe RIGAUD

27 juin 2012

RDC: Kabila dans le piège rwandais

Depuis deux mois, l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre de violents affrontements entre rébellions et armée régulière. Un nouveau conflit qui révèle les multiples contradictions entre les différents protagonistes. Le Rwanda, allié de Kinshasa, est accusé de soutenir la rébellion du M23, alors que Joseph Kabila a utilisé les services des actuels rebelles (qu'il combat aujourd'hui) pendant les élections de novembre. Un jeu de dupe entre la RDC et le Rwanda qui dure depuis plus de 15 ans.

IMG_3592filtre.jpgLa guerre qui secoue une nouvelle fois la région du Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), constitue un énième soubresaut des relations tumultueuses qui agitent la RDC et le Rwanda depuis le génocide de 1994. La polémique actuelle sur un possible soutien de Kigali aux rebelles du M23 n'étonne personne à Kinshasa. Pour de nombreux observateurs de l'arène politique congolaise, "le problème n'est pas tant de savoir si le Rwanda aide en sous-main les rébellions de l'Est, mais d'en connaître l'importance".

16 ans de relations tumultueuses

De 1996 à 2012, le Rwanda est intervenu plusieurs fois en RDC, à des degrés plus ou moins élevés. Entre 1996 et 1997, le Rwanda franchit une première fois la frontière, pour traquer les génocidaires hutus, renverser le maréchal Mobutu et mettre au pouvoir son allié congolais de l'AFDL, Laurent-Désiré Kabila. En 1997, une fois aux commandes, Kabila nomme un rwandais, James Kabarebe, comme chef d'état-major de l'armée congolaise. En 1998, Kabila se brouille avec son protecteur rwandais, devenu "trop encombrant". Le Rwanda tente de le déloger par les armes, sans succès, le "Mzee" ayant trouvé d'autres protecteurs comme le Zimbabwe et l'Angola. En 2001, Laurent-Désiré Kabila est finalement assassiné. Le Rwanda sera accusé en 2001 et 2002 par l'ONU de "pillage des ressources naturelles" en RDC. L'armée rwandaise quittera enfin le pays en 2003, mais Kigali se fera fort de soutenir les rébellions censées protéger la communauté tutsi congolaise des attaques des hutus rwandais des FDLR. Le Rwanda soutiendra d'abord le général dissident Laurent Nkunda, avant de le laisser tomber et d'aider Bosco Ntaganda, fraîchement allié avec Kinshasa. Lâché par Kabila, Ntaganda prendra le maquis avec un autre groupe, le M23, qui défie aujourd'hui l'armée congolaise dans l'Est du pays, à quelques encablures… du Rwanda. Depuis 16 ans, de près ou de loin, le Rwanda gardera toujours "une main" sur les Kivu.

Rien d'étonnant donc, lorsque Human Rights Watch (HRW), l'ONU ou le gouvernement congolais dénoncent ensemble l'aide de Kigali à la nouvelle rébellion née il y a deux mois dans les Kivu, le fameux M23. Selon Reuters, qui a pu se procurer un rapport de l'ONU (qui ne sera pas publié), James Kabarebe, maintenant ministre de la défense du Rwanda serait personnellement impliqué dans le soutien aux rebelles du M23. Kigali a bien sûr fermement démenti ces allégations.

A quoi joue le Rwanda ?

Officiellement, le Rwanda cherche à venir à bout des rebelles hutus des FDLR, réfugiés en RDC depuis la fin du génocide de 1994. Les FDLR ont toujours constitué une menace aux yeux de Kigali. A Kinshasa, certains relativisent le danger que représente réellement, en 2012, cette rébellion qui n'a pas lancé d'attaques d'envergures contre le territoire rwandais depuis plusieurs années. Car officieusement, les Congolais affirment que les opérations anti-FDLR ne sont qu'un prétexte du Rwanda pour contrôler la région, très riche en minerais divers (cassitérite, or, coltan…). A Kinshasa, ce qui est appelée "l'occupation rwandaise" de l'Est du pays possède également des vertus démographiques pour le petit Rwanda voisin et surpeuplé. Comme le dit dans son éditorial, le magazine Congo Actualités du mois de juin. : "Kigali crée des groupes armées pour fomenter des guerres qui obligent la population autochtone à abandonner ses villages et ses terres, pour les remplacer avec d’autres populations provenant d’autres pays et du Rwanda, en particulier".

Liaisons dangereuses

En conflit ouvert avec le Rwanda depuis 1998, le Congo de Joseph Kabila s'est subitement rapproché de son encombrant voisin en 2009. Il faut dire que la rébellion de Laurent Nkunda (soutenu par Kigali) a fait vacillé Kinshasa pendant plusieurs semaines. Les troupes de Nkunda étaient en effet aux portes de Goma, la capitale de l'Est congolais et menaçaient de faire tomber le régime de Joseph Kabila. Le président congolais décide donc de s'allier à Kigali (contre la majorité de son opinion publique) pour se débarrasser de Laurent Nkunda. Le général rebelle est en effet arrêté par Kigali et placé en résidence surveillée au Rwanda en attendant une hypothétique extradition vers la RDC. Aujourd'hui, le "nouveau Nkunda" s'appelle Bosco Ntaganda. Soutenu également par Kigali, le général ex-bras droit de Nkunda a fait allégeance à Joseph Kabila jusqu'au mois d'avril 2012. A ce moment, Kinshasa, poussée par la communauté internationale après des élections très contestées, prend la décision de capturer Ntaganda, recherché depuis plusieurs années par la Cour pénale internationale (CPI). Kinshasa souhaite donner des gages à la communauté internationale en cessant de protéger Ntaganda. Le général, sentant son arrestation proche, fait défection avec quelques centaines d'hommes et prend le maquis dans les montagnes du Kivu. En parallèle, une nouvelle rébellion voit le jour : le M23, issu de la mouvance Nkunda.

Kabila prisonnier de Kigali ?

Rapidement, tout le monde se rend compte que les mutins bénéficient du soutien du Rwanda voisin. Human Rights Watch estime que le M23 est alimenté en armes et en vivres depuis les montagnes rwandaises. L'ONU affirme que les rebelles ont été formés au Rwanda et Reuters dévoile un document de l'ONU révélant que des personnalités rwandaises de premiers plans, dont le ministre James Kabarebe, aident le M23. Kinshasa se contente de dénoncer la "passivité" de Kigali. Mais face à son "allié" de circonstance, Joseph Kabila n'est pas le mieux placé pour lui donner des leçons. Le président congolais est en effet redevable de nombreux "services" à la communauté rwandophone des Kivu. Aux élections de 2006 tout d'abord, le candidat Kabila a réalisé d'excellents scores dans la région (jusqu'à 90% des voix dans le Masisi). Un vote qui ne sera d'ailleurs pas récompensé puisque les tutsis ne seront pas représentés à l'assemblée provinciale (d'où les frustrations et l'émergence de Laurent Nkunda). Aux élections de 2011 ensuite, pendant lesquelles Joseph Kabila a demandé au CNDP de Ntaganda de "sécuriser" le scrutin dans l'Est. Le candidat y réalisera de très bons scores (dès fois plus de 100% des voix !). Ntaganda n'en sera pas gratifié puisqu'il sera très vite transformé en "ennemi public numéro 1" par l'armée congolaise pour être livré à la CPI. Dernier point à mettre dans la balance des relations entre le Rwanda et la RDC : le lien très fort du président Kabila avec le ministre rwandais de la défense, James Kabarebe. Le militaire rwandais a en effet formé le jeune Joseph Kabila "aux arts de la guerre" pendant la chute du régime Mobutu en 1997. Kabila doit tout à Kabarebe... et Kabarebe connaît tout de Kabila.

Sortie de crise ?

Dans cet imbroglio où tout le monde ment à tout le monde, difficile de savoir comment Joseph Kabila pourra s'affranchir de son "allié" rwandais. Pour l'heure, le président congolais n'a pas les moyens de tenir tête à Kigali. L'armée congolaise est en pleine reconstruction et n'a pas la possibilité de s'imposer sur le terrain. Deux solutions s'offrent pourtant à Joseph Kabila : compter sur la communauté internationale pour faire plier Kigali et retrouver un peu de souveraineté à l'Est ou négocier avec les rebelles et Ntaganda pour trouver ensemble une porte de sortie acceptable pour tous. Un seul atout pour Joseph Kabila : les dissensions très fortes entre le M23 et Bosco Ntaganda… le premier étant prêt à lâcher le second pour voir aboutir ses revendications : l'application des accords de Goma de 2009. Jusqu'à ce jour le gourvernement congolais n'était pas disposé à nouer des négociations avec les rebelles.

Christophe RIGAUD

Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com