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13 mai 2012

RDC : Le M23 revendique le leadership de l'ex-CNDP

Depuis deux semaines, le Nord-Kivu est en proie à d'intenses combats entre des mouvements rebelles et l'armée congolaise. Deux groupes, maintenant distincts, affrontent les soldats de Joseph Kabila : le M23 du colonel Sultani Makenga et les éléments fidèles au général en fuite Bosco Ntaganda, que Kinshasa veut capturer. Au-delà de la guerre entre forces loyalistes et rebelles, une autre bataille a commencé, celle de la lutte d'influence au sein de l'ex-CNDP.

carte RDC Afrikarabia Virunga.jpgDepuis le 29 avril, deux rébellions défient l'armée congolaise (FARDC) dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Il y a tout d'abord les éléments armés fidèles au général Bosco Ntaganda, un ex-rebelle du CNDP, intégré dans l'armé régulière depuis les accords de paix de 2009 et désormais recherché par Kinshasa et par la Cour pénale internationale (CPI). En fuite, dans son fief du Masisi, Bosco Ntaganda a gagné la zone frontalière entre le Rwanda et l'Ouganda, puis le parc des Virunga. Selon Kinshasa, Ntaganda se serait aujourd'hui réfugié dans la région de Mikeno et Karisimbi.

Il y a une semaine, un nouveau courant au sein du CNDP a opportunément vu le jour. Il s'agit du M23 (Mouvement du 23 mars), qui revendique l'application des accords de 2009 entre la rébellion du CNDP et les autorités congolaises. Cet accord prévoyait, entre autre, la transformation du CNDP en formation politique. Dans un premier temps, cette "nouvelle rébellion", a été présentée par les médias internationaux comme étant proche de Bosco Ntaganda. Certains sites internet affirmaient même que le M23 protégeaient Ntaganda dans sa fuite. En fait, ce "courant" a été créé par des membres du CNDP "historique", encore fidèles à son fondateur Laurent Nkunda. Le M23 est donc tout, sauf "proche" de Bosco Ntaganda, qu'il considère comme un traitre. En effet, en 2009 un renversement d'alliance surprise faisait imploser le CNDP. Bosco Ntaganda rejoignait camp de Kinshasa et Laurent Nkunda était arrêté par l'ancien allié rwandais. Pour les membres du M23, il s'agissait d'une trahison pure et simple.

Ala tête du M23, on retrouve aujourd'hui le colonel Sultani Makenga, qui a déserté l'armée avec plusieurs dizaines d'hommes pour se réfugier avec sa troupe d'insurgés dans le territoire de Rutshuru, à la frontière du Rwanda et de l'Ouganda, puis dans la région de Runyoni. Samedi, l'armée congolaise a lancé ses hélicoptères de combats contre le colonel Makenga, sans succès.

Ces deux rébellions font désormais face à l'armée régulière congolaise avec deux objectifs distincts : les pro-Ntaganda veulent sauver leur chef d'une probable arrestation et le M23, plus politique, souhaite recréer un rapport de force avec Kinshasa, pour défendre les intérêts de la communauté tutsi du Nord-Kivu et notamment dans les institutions politiques locales et nationales.

Selon Jean-Paul Epenge, le numéro 2 du mouvement M23, cette confusion entre ex-CNDP, M23 et pro-Ntaganda "a été volontairement entretenue par Kinshasa pour nous diaboliser", nous a-t-il déclaré. "Il n'y a pas de création d'un autre CNDP ou d'un autre mouvement rebelle", explique-t-il. "Bosco Ntaganda n'a jamais été fondateur ou président du CNDP. Il a profité de son alliance avec Kinshasa pour imposer son faux CNDP, par traîtrise. Le M23 réactive l'aile militaire pour corriger les erreurs des uns et des autres afin de redémarrer les négociations sur des bonnes bases entre le CNDP et le gouvernement congolais, c'est à dire celles de Nairobi."

Au Nord-Kivu, deux fronts se sont donc ouverts face aux soldats de Kinshasa. Pour l'instant, les forces armées congolaises (FARDC) semblent contrôler la situation. Mais 3 jours après leur ultimatum, les soldats du président Kabila n'ont toujours pas réussi à mettre la main sur Ntaganda ou à stopper les insurgés du M23. Si pour l'heure, les rebelles ne sont pas en mesure de menacer l'autorité de Kinshasa au Nord-Kivu, ce climat d'insécurité ne peut s'éterniser, au risque de provoquer l'intervention des armées voisines, rwandaises ou ougandaises.

Christophe RIGAUD

10 mai 2012

RDC : "Au Kivu, la solution est politique" selon Thierry Vircoulon (ICG)

Au Nord-Kivu, dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), les combats déclenchés par la traque du général Bosco Ntaganda, que Kinshasa cherche à capturer ont provoqué un regain de violence. Pour Thierry Vircoulon, responsable de l'Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG), la crise qui secoue les Kivu n'est pas uniquement militaire, elle est aussi politique et la tentative d'arrestation de Ntaganda retarde son règlement.

Vircoulon filtre 1.jpgDepuis le 29 avril, de violents combats ont opposé, dans la province du Masisi, l'armée régulière de République démocratique du Congo (FARDC) aux hommes de Bosco Ntangada. Ce général Congolais, ex-rebelle du CNDP (groupe militaire défendant les intérêts des Tutsi de la région) est recherché par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Longtemps protégé par le régime de Joseph Kabila, qui l'avait intégré au sein de l'armée, Ntaganda est devenu en quelques semaines persona non grata en RDC pour la communauté internationale. Sous pression de ses principaux bailleurs, Joseph Kabila décide de l'arrêter en lançant une vaste opération militaire dans l'Est du pays pour le dénicher. Ntaganda se réfugie avec ses hommes dans ses terres du Masisi, puis dans le parc des Virunga, à la frontière du Rwanda.

En moins de deux semaines, les combats ont provoqué l'exode de plusieurs milliers de personnes dans le Masisi. Cette traque constitue un nouveau cour dur pour la population civile du Nord-Kivu, cruellement touchée par une guerre larvée qui secoue la région depuis plus de 15 ans.

- Afrikarabia : L'arrestation probable de Bosco Ntaganda peut-elle résoudre l'insécurité qui règne à l'Est de la RDC ?

- Thierry Vircoulon : Tout d'abord, le CNDP, ce mouvement politico-militaire dont Bosco Ntganda est le leader, survivra à l'arrestation éventuelle de son chef. Deuxième problématique : cette tentative d'arrestation a télescopé le résultat des élections ratées de novembre 2011, puisqu'au Nord-Kivu, les élections législatives ont été annulées dans le Masisi, qui s'avère être le fief de la communauté tutsi, là où est actuellement réfugié Bosco Ntaganda. Ce qui est en jeu pour les Tutsi congolais, avec ces élections, c'est bien sûr le contrôle des institutions politiques du Nord-Kivu. Et en observant cette intervention militaire contre Ntaganda, un certain nombre de Tutsi se sont dit qu'il y avait une volonté de Kinshasa de désarmer la communauté tutsi et de réduire son poids politique au Nord-Kivu. D'autant que les élections provinciales sont repoussées… en 2013 ! On se retrouve donc dans une situation d'incertitude politique complète sur l'avenir de la province.

- Afrikarabia : Alors que Kinshasa semble vouloir régler la question militairement, vous pensez que la situation ne peut se régler que politiquement ?

- Thierry Vircoulon : Il est clair qu'il y a un fond de vérité dans la revendication du CNDP sur la mise en place de l'accord politique de 2009 (qui prévoyait l'intégration du CNDP dans la vie politique congolaise, ndlr). Le CNDP était rentré dans l'armée régulière, au point de contrôler une bonne partie de l'armée dans l'Est de la RDC, mais n'avait pas encore fait sa mue politique. Cette mue devait se faire à travers les élections de novembre 2011, aussi bien sur le plan national que provincial, or cela n'est pas encore fait. Donc le CNDP reste plus un mouvement armé, qu'un parti politique : sa transformation reste à faire. On peut d'ailleurs comparer le CNDP avec l'UPC, un autre mouvement rebelle d'Ituri, qui lui, a désormais des représentants politiques depuis 2006 et en aura encore dans les prochaines assemblées. Le problème réside dans la mue politique du CNDP. Il faut que les conditions soient réunies pour qu'elles se fassent, cela apaisera certainement les tensions.
Autre phénomène inquiétant, ce sont les autres groupes rebelles comme les Maï-Maï ou les FDLR qui ont senti qu'il y avait une fenêtre d'opportunité avec la mutinerie de Bosco Ntaganda pour se positionner et rebattre un peu les cartes avec les élections. Cette situation actuelle dans les Kivu est vraiment le reflet de tout ce qui n'a pas été achevé et réalisé lors du dernier mandat de Joseph Kabila, à savoir la fin des groupes armés dans l'Est du pays.

- Afrikarabia : Pourquoi l'accord de paix de 2009 n'a pas été respecté ? Pourquoi le CNDP n'a pas eu accès aux institutions politiques congolaises ?

- Thierry Vircoulon : Essentiellement à cause de l'opposition des nombreuses communautés du Nord-Kivu, comme les Nande, les Hunde... qui ne veulent pas que les Tutsi du Nord-Kivu occupent une place trop grande. La composante militaire de l'accord 2009 a été mise en place (l'intégration des rebelles du CNDP dans l'armée régulière, ndlr). Cette composante militaire a alors provoqué de nombreuses controverses  et de nombreuses oppositions au Nord-Kivu et j'ai le sentiment que le gouvernement de Kinshasa n'a pas voulu aller trop loin dans l'application du volet politique de l'accord. Il y avait une sorte de modus vivendi avec le CNDP : le mouvement continuait de contrôler 90% de l'armée dans le Nord-Kivu et la question politique devait être réglée avec ces élections. Ils ont pu vivre comme cela pendant 2 ans, mais aujourd'hui, on est arrivé à terme.

- Afrikarabia : Quelle est la position du Rwanda voisin sur le "cas Ntaganda" et a-t-elle évolué ?

- Thierry Vircoulon : Je crois que Kigali n'avait pas l'intention d'apparaître comme soutenant quelqu'un qui était recherché par la Cour pénale internationale (CPI). C'était très mauvais en terme d'image. Par contre, Kigali est toujours très sensible à l'argument de la sécurité des Tutsi congolais et souhaite toujours garder la main sur la situation militaire au Nord-Kivu. Par conséquent, certaines voix se sont élevées à Kigali pour dire que, finalement, cette tentative d'arrestation était un peu "téméraire" et que Bosco Ntaganda jouait un rôle important dans l'équation de paix au Nord-Kivu et qu'il fallait faire très attention à un possible retour des FDLR (milice commandée par d'anciens génocidaires hutu, ndlr). On voit de nouveau l'argument sécuritaire agité par Kigali qui ne verrait pas d'un très bon oeil le désarmement des Tutsi au Nord-Kivu.

- Afrikarabia : L'arrestation de Bosco Ntaganda, aussi légitime soit-elle, ne résoudrait donc aucun des problèmes qui secouent l'Est de la RDC ?

- Thierry Vircoulon : L'arrestation de Ntaganda ne résout aucun des problèmes parce qu'il s'agit  essentiellement de problèmes structurels et non pas de problèmes individuels qui dépendent d'une ou deux personnes. Ce sont des problèmes de relations intercommunautaires, de représentativités politiques… et ce n'est pas en fraudant les élections qu'on les règle. La tentative d'arrestation de Bosco Ntaganda a ainsi réouvert la compétition pour le pouvoir au Nord-Kivu.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Th. Vircoulon à Paris en mai 2012 © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

08 mai 2012

RDC : Le CNDP se recompose

Le bras de fer entre l'armée congolaise et l'ex-rebelle du CNDP, Bosco Ntaganda provoque la création d'un nouveau mouvement baptisé : Armée Nationale Congolaise/CNDP (ANC/CNDP). Cette "clarification" au sein de la rébellion intervient à quelques jours d'un ultimatum fixé par les autorités congolaises demandant aux mutins de se rendre. Le Colonel Sultani Makenga prend la tête de ce mouvement.

Capture d’écran 2012-05-08 à 12.39.12.pngDans un récent communiqué, des membres du CNDP "historique", proches de l'ancien général rebelle Laurent Nkunda prennent leur distance avec les mutineries dans l'armée congolaises provoquées par la volonté de Kinshasa d'arrêter leur chef, Bosco Ntaganda. Depuis plus d'une semaine l'armée congolaise traque le général ex-CNDP Bosco Ntaganda dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). L'bbjectif annoncé par Kinshasa est clair : l'arrestation de Ntaganda demandée par la communauté internationale et la Cour pénale internationale (CPI). Le général Ntaganda s'est d'abord réfugié dans le Masisi avec se retrancher dans le Rutshuru, à la frontière du Rwanda et de l'Ouganda. Le gouvernement congolais a donné jusqu'au jeudi 10 mai aux mutins pour se rendre.

Ce nouveau mouvement affirme vouloir faire respecter l'accord de paix de 2009 qui devait transformer le CNDP en formation politique. L'ANC/CNDP se trouve désormais sous le commandement du Colonel Sultani Makenga. Ce militaire venu du Sud-Kivu avait récemment fait défection et pris le maquis avec 80 de ses hommes. L'épreuve de force se trouve donc relancée entre Kinshasa et la rébellion tutsi. Ce nouveau mouvement arrive à point nommé et prépare sans doute "l'après Ntaganda", lorsque Kinshasa cherchera un nouvel interlocuteur au sein des tutsi du Kivu.

Christophe RIGAUD