15 janvier 2011
RDC : Joseph Kabila gagne la bataille constitutionnelle
A moins de 10 mois de l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), l'Assemblée nationale et le Sénat congolais viennent d'adopter ce samedi le projet de révision de la Constitution avec en ligne de mire, la modification du mode de scrutin. Le chef de l'Etat, Joseph Kabila propose en effet que le président de la République soit élu à la majorité simple des suffrages exprimés et non plus à la majorité absolue au second tour. Une modification inacceptable pour l'opposition qui dénonce ce changement brutal des règles du jeux à quelques mois du scrutin. Si Joseph Kabila remporte sa première victoire avant même la tenue des élections, il vient d'ouvrir les hostilités avec les partis d'opposition… jusqu'où ?
Pour adopter la révision de la constitution, le texte doit obtenir la majorité de trois cinquièmes, selon la Constitution. Sur 608 élus (députés et sénateurs) que comptent le Parlement congolais, 485 ont voté pour la modification des huit articles de la Constitution de 2006, alors que 8 ont voté contre et 11 se sont abstenus. Une centaine de députés de l'opposition ont boycotté cette séance.
A part dans la majorité présidentielle, la suppression du deuxième tour de l’élection présidentielle est vivement décriée par l’opposition, l’église catholique (notamment Laurent Monsengwo) et la société civile.
Christophe Rigaud
22:01 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (5)
14 janvier 2011
RDC : Une autre grille de lecture du conflit au Kivu
Dans un long article publié par le site Affaires Stratégiques, la chercheuse Flora Boubour revient sur les causes de la guerre au Kivu et les raisons de son enlisement, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC). Au delà des facteurs connus sur le déclenchement du conflit après le génocide rwandais de 1994 et des causes ethniques, économiques ou sécuritaires, Flora Boubour explore des pistes nouvelles, comme les agendas politiques internes des différents pays voisins ainsi que le manque de leadership régional et international.
Dans son analyse, Flora Boubour décrit le conflit au Kivu comme "une lutte des élites pour le contrôle de l'Etat, chaque acteur du conflit cherchant à s’assurer une capacité de nuisance suffisante pour faire pression sur le gouvernement." La chercheuse explique qu'en 2008, le président Joseph Kabila a cherché coûte que coûte une victoire totale sur le CNDP de Laurent Nkunda pour ne pas avoir à partager le pouvoir avec ses opposants. Finalement, la paix signée en 2009 ne sera qu'un compromis politique puisqu'elle prévoit l'intégration des rebelles dans l'armée régulière et la mue du CNDP en parti politique en vue de participer au partage du pouvoir. Pour l'heure, l'intégration des troupes du CNDP est loin d'être totale et les membres du CNDP sont toujours bloqués aux portes du gouvernement.
Dans son analyse, Flora Boubour décrypte également l'agenda politique rwandais. Le turbulent voisin est en effet très impliqué au Kivu, militairement et économiquement. Selon la chercheuse : "l’organisation du contrôle des ressources provenant du Kivu a permis le recouvrement du pays. Politiquement cette guerre a permis de faciliter la reconstruction nationale en évinçant les génocidaires et en créant un ennemi commun." L'opération militaire conjointe, entre la RDC et le Rwanda (Umoja Wetu) a enfin permis la neutralisation de l'encombrant général Nkunda et de "renforcer les assises économiques rwandaises au Kivu mais aussi de donner une meilleure image du pays aux bailleurs, notamment la Suède et Hollande qui ont arrêté leur aide au Rwanda en raison de son implication dans le pillage des ressources."
Enfin, Flora Boubour note une absence totale de leadership régionale et internationale. Le kivu ne semble pas bénéficier d'un "parrain international" comme au Darfour ou au Proche-Orient "qui réunit les belligérants, finance les rencontres et organise des négociations". Les casques bleus de l'ONU censés maintenir la paix semblent bien incapable de "s'imposer militairement ou politiquement" et la chercheuse, estime que la MONUCO et "n’apparaît donc pas comme un acteur crédible et suffisant pour créer les conditions de la paix." Pour conclure, Flora Boubour note que "le mandat inadapté de la MONUC et les problèmes de coordination entre acteurs internationaux semblent être devenus des facteurs à part entière de l’enlisement du conflit. Il n’y a pas de centre décisionnel mais une multitude de centres dont les actions en faveur de la paix sont concurrentes et parfois contradictoires."
Une analyse à lire dans son intégralité sur le site Affaires stratégiques.
Christophe Rigaud
Photo : RDC 2006 (c) Ch Rigaud www.afrikarabia.com
16:35 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (3)
12 janvier 2011
RDC : Coup de force constitutionnel de Joseph Kabila
L'Assemblée nationale de République démocratique du Congo (RDC) vient de donner son feu vert à la proposition de loi relative à la révision de certaines dispositions de la Constitution congolaise. Cette révision constitutionnelle permettrait de changer le mode de scrutin de la présidentielle de novembre prochain pour la faire passer de deux à un seul tour. Un scandale pour l'opposition qui a refusé de prendre part au vote et qui estime que changer les règle du jeu à la dernière minute n'a pour unique objectif que de favoriser le président sortant. En proposant un mode de scrutin à un seul tour, la majorité présidentielle estimait vouloir éviter un scénario "à l'ivoirienne" après le second tour. Au vue du tollé provoqué par le coup de force de Joseph Kabila, la révision de la constitution risque de précipiter la RD Congo dans ce scénario bien avant l'élection.
Sur les 337 députés ayant participé au vote (à main levée), 334 ont approuvé le principe d'une révision de la Constitution, contre seulement 2 qui se sont abstenus, 1 seul ayant voté non. L'Assemblée nationale congolaise a donc déclaré recevable la proposition de loi relative à la révision de la Constitution de la RDC, ouvrant ainsi la voie à un changement de mode de scrutin pour l'élection présidentielle, qui passerait de deux à un seul tour.
Signe des temps, le vote a eu lieu en l'absence des députés de l'opposition qui avaient quitté la salle afin de protester contre ce "tripatouillage de dernière minute".
L'opposition, toutes tendances confondues, rejette en bloc le projet de Joseph Kabila, soulignant qu'une élection à un seul tour est "dangereuse" et "rétrograde", ayant pour "unique objectif d'organiser la tricherie à grande échelle, et participe d'une dynamique de confiscation de tous les pouvoirs d'Etat par un seul individu", en l'occurrence Joseph Kabila. Si la modification du mode scrutin passe, le prochain président de République démocratique du Congo pourrait en effet être élu avec seulement 18 ou 20 % des voix !
Au vue de la levée de bouclier soulevée par ce projet, les futures élections de 2011 s'engagent bien mal en RD Congo. Les tensions sont déjà exacerbées entre opposition et majorité. Et le passage à une élection à un seule tour, pourrait même avoir l'effet inverse de celui promis par Joseph Kabila. Car, à vouloir supprimer le second tour de la présidentielle afin d'éviter les tensions entre les deux candidats du deuxième tour, comme c'est le cas en Côte d'Ivoire, le projet présidentiel pourrait déclencher une fronde anti-Kabila avant même le démarrage de la campagne ! ... avec affrontements, répression, arrestations arbitraires, muselage des médias... comme au Nigéria en 2007 ou en Côte d'Ivoire en 2010. On peut même se demander aujourd'hui si les élections de novembre 2011 auront bien lieu à date prévue...
Christophe Rigaud
18:45 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (10)