03 mai 2013
RDC : Le Katanga en débat sur Africa N°1
"Le Grand Débat", l'émission de Francis Laloupo, s'est penché jeudi 2 mai sur la dégradation de la situation sécuritaire au Katanga. Le 23 mars dernier, un groupe de 250 miliciens a investi la ville de Lubumbashi, sans rencontrer aucune résistance des forces de sécurité congolaises. Que réclament ces rebelles ? Comment expliquer l'absence de l'Etat dans cette riche province minière ? Réponses dans cette émission avec : Marc-André Lagrange d'International Crisis Group, Zobel Behalal du CCFD-Terre solidaire et Christophe Rigaud d'Afrikarabia.com.
Comment Lubumbashi, la "capitale du cuivre" et deuxième ville de République démocratique du Congo, peut-elle se retrouver à la merci d'un groupe armé ? Pourquoi le "coffre-fort" de cette riche province est-il aussi mal gardé par l'Etat central ? Ce sont les questions légitimes que l'on peut se poser après l'attaque de Lubumbashi le 23 mars dernier. Pendant quelques heures, un groupe de 250 miliciens, les Maï-Maï "Bakata Katanga", a investi la ville, sans résistance de la police et de l'armée congolaise. Objectif affiché des rebelles : l'indépendance du Katanga !
Car en arrière plan de cette attaque "indépendantiste", il y a la politique de décentralisation très controversée du président Joseph Kabila. Le futur redécoupage du Katanga prévu par la Constitution devrait créer 2 provinces (agricoles) au Nord et 2 provinces (minières) au Sud. La province serait alors morcelée entre un Katanga "utile" (au Sud) et un Katanga "inutile" et non-viable (au Nord)... ce qui n'est visiblement pas du goût de tout le monde. On soupçonne donc plusieurs personnalités politiques katangaises de manipuler le fameux groupe indépendantiste Maï-Maï pour faire pression sur Kinshasa.
Qui sont ces rebelles ? Pourquoi l'Etat est-il aussi absent dans cette province ? "Le Grand Débat" d'Africa N°1 a consacré son émission du jeudi 2 mai à la situation au Katanga. Autour de Francis Laloupo : Marc-André Lagrange, analyste à International Crisis Group depuis NaIrobi, Zobel Behalal, chargé de plaidoyer au CCFD-Terre solidaire et Christophe Rigaud, Journaliste, spécialiste de la RD Congo et de l’Afrique centrale et responsable du site afrikarabia.com. L'émission est à réécouter ici :
http://www.africa1.com/spip.php?article32076
Photo : Lubumbashi - Ch. Rigaud © www.afrikarabia.com
15:54 Publié dans Afrique, République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (3)
29 avril 2013
RDC : La brigade d'intervention sera-t-elle efficace ?
3.000 casques bleus doivent arriver prochainement dans l'Est de la République démocratique du Congo pour "neutraliser les groupes armés". Une brigade d'intervention spéciale de l'ONU dont Kinshasa attend beaucoup et dont les experts doutent de sa réelle efficacité.
La mise en place de la brigade spéciale d'intervention dans l'Est de la République démocratique du Congo serait "imminente", selon l'ONU. Sur les 3.000 hommes attendus dans les Kivus, environ 800 seraient déjà sur place et son commandant, le tanzanien James Mwakibolwa se trouve dans la ville de Goma depuis le 23 avril dernier. L'ONU annonce l'arrivée des autres contingents, venant du Malawi et de Tanzanie, "d'ici le mois de juillet". Tout est donc prêt pour accueillir une brigade de casques bleus dotée d'un mandat "offensif" et devant "neutraliser les groupes armés opérant dans l'Est de la RDC".
Impatience à Kinshasa
Sur l'efficacité de la brigade d'intervention de l'ONU, les Congolais en attendent beaucoup. Peut-être même, un peu trop. Présenté, en toute modestie par Kinshasa, comme une "victoire diplomatique", le déploiement de ces "super casques bleus" doit tout simplement "mettre un terme à la guerre dans l'Est du pays", selon le porte-parole du gouvernement. Après avoir échoué militairement face aux rebelles du M23, Kinshasa n'a pas réussi à imposer une sortie de crise aux négociations de paix de Kampala. Faute de mieux, les autorités congolaises ont donc remis leur destin entre les mains des Nations unies. Le président Joseph Kabila, affaibli par une réélection contestée et un conflit qui lui échappe, attend donc avec une certaine impatience la mise en place de la brigade. Selon son ministre des Affaires étrangères, "le seul avenir du M23 c'est de cesser d'exister comme mouvement politico-militaire, sinon, la brigade d'intervention s'occupera de mettre fin à son existence".
Solution "à court terme"
Dans l'opposition, si on accueille avec soulagement l'arrivée de la brigade spéciale, sur son efficacité, il y a par contre quelques bémols. "C'est une solution, certes, mais à court terme", estime Juvénal Munubo Mubi, député de l'UNC. Si la brigade de l'ONU doit "inspirer la peur aux groupes armés", "la solution à long terme passe par une réforme profonde du secteur de la sécurité, c'est à dire la reconstruction de l'armée nationale", affirme ce député du mouvement de Vital Kamerhe. Et la tâche est titanesque. Mal payées, complètement désorganisées, transformées en armée fantôme, les FARDC ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Quant au chantier de la réforme de l'armée congolaise, il est toujours au point mort. On comprend donc les espoirs… et les doutes de Juvénal Munubo Mubi.
Un mandat "trop large"
Du côté des experts internationaux, le scepticisme est plus affirmé. Pour Thierry Vircoulon, le directeur pour l'Afrique centrale d'International Crisis Group (ICG), le mandat de cette brigade est "beaucoup trop large". "Le mandat de l'ONU prévoit que cette brigade s'occupe de tous les groupes armés", explique le chercheur, "ce qui ne sera pas possible vu leur grand nombre". "De plus, dans les résolutions de l'ONU, on fait des différents groupes armés, un seul groupe homogène, ce qui n'est pas le cas", note Thierry Vircoulon. Selon lui, l'ONU va devoir "séquencer ses actions". Et de poser cette question : "quelle sera la première cible de la brigade ?". Le chercheur croit savoir que la brigade spéciale pourrait d'abord cibler les rebelles rwandais des FDLR, avant de s'en prendre au M23, "peut-être pour contenter le Rwanda", souligne-t-il. Mais on peut bien évidemment penser que le gouvernement congolais exercera de fortes pressions pour que la brigade s'attaque en premier au M23. Quant aux groupes Maï-Maï, on peut supposer qu'ils seront moins ciblés par la brigade spéciale.
Dommages collatéraux : les civils
Thierry Vircoulon doute également de l'efficacité sur le terrain d'une telle brigade d'intervention. "Autant cette brigade de 3.000 homme pourrait montrer son efficacité face à une autre armée constituée", souligne-t-il, "autant on imagine mal cette brigade efficace en situation de guérilla face à des groupes peu structurés, comme les Maï-Maï". Dans les résolutions de l'ONU, Thierry Vircoulon fait remarquer "qu'on fait des différents groupes armés, un seul groupe homogène, ce qui n'est malheureusement pas le cas sur le terrain". Autre risque pointé par le chercheur : le scénario trop connu de la "vrai-fausse réintégration des rebelles dans l'armée régulière". "En mettant la pression sur les groupes armés, certains risquent fort d'être tentés de déposer les armes en demandant à être réintégrés dans l'armée, ce qui relance les éternelles questions : à quels grades ? etc…". Et de redouter que l'on entre dans un scénario que la République démocratique du Congo a déjà connu avec l'intégration ratée des rebelles du CNDP en 2009. Dernier risque soulevé par le responsable d'International Crisis Group : "les dommages collatéraux sur les populations civiles". Un ancien expert militaire, connaisseur de la situation en RDC, confirme le risque pour les Kivus de passer d'une guerre "froide" de "basse intensité" à une guerre plus "chaude" et donc plus meurtrière que le conflit actuel. "Les civils seraient les première victimes de la reprise des combats, qui seraient plus violents", conclut selon cet expert.
Vers une guerre régionale ?
Le M23 a bien jaugé la situation et présente l'arrivée de la brigade d'intervention comme "une déclaration de guerre de l'ONU". Sur le site du M23, congodrcnews.com, on parle de "choix du sang" des nations unies pour condamner l'envoi de la brigade dans les Kivus. Les rebelles se sont alors lancés dans une vaste opération de lobbying à destination de la Tanzanie et de la l'Afrique du Sud, grands pourvoyeurs de troupes de la fameuse brigade. "Les militaires de l’armée de la République Sud-Africaine vont-ils ainsi se faire tuer, et tuer, dans les forêts et les collines volcaniques du Kivu ?" demande le M23. A la Tanzanie, les rebelles demandent de "se retirer de la résolution de la Communauté de développement de l’Afrique Australe (SADC)". Objectif : faire culpabiliser ses "frères africains". Et le M23 de prévenir : "nous sommes convaincus que la confrontation militaire risque de provoquer une guerre régionale" et d'entraîner "dans une guerre inutile, l'Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie". Voilà pour l'opération de "déstabilisation diplomatique". Sur le terrain militaire, le M23 affirme ne pas craindre la brigade de l'ONU. Les rebelles connaissent parfaitement la région et si la brigade peut empêcher le M23 de reprendre Goma, elle aura bien du mal à les "anéantir", comme le pense Kinshasa.
Dernier élément. Si l'attention se focalise sur les seuls M23, une vingtaine d'autres groupes armés sévissent à l'Est de la RDC. Ils fonctionnent par petits groupes très mobiles et il sera très difficile d'en venir à bout avec les seuls 3.000 hommes de la brigade. La solution est donc politique et se trouve en partie à Kinshasa, qui doit changer de mode de gouvernance pour enfin asseoir son autorité, et à Kigali, qui est accusé de soutenir les rebelles du M23 et qui est encore en mesure de siffler la fin du match dans les Kivus.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
Photo : Groupe armé en RDC © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com
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