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26 janvier 2012

RDC : Les errements du procès Bemba

Le procès de l'ancien vice-président de République démocratique du Congo (RDC), Jean-Pierre Bemba suscite toujours des controverses. L'enquête de la Cour pénale internationale (CPI) piétine et le procureur peine à rassembler les preuves. Les défenseurs du sénateur congolais dénoncent un montage judiciaire destinée à écarter leur client du jeu politique. Le procès tourne en rond et le dossier paraît mal ficelé. Très critiquée en Afrique, la CPI engage sa crédibilité dans l'affaire Bemba.

Image 2.pngAprès de nombreux reports, le procès de Jean-Pierre Bemba devrait reprendre le 26 janvier 2012. Jean-Pierre Bemba est poursuivi pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis par ses troupes du MLC en Centrafrique en 2002 et 2003. Jean-Pierre Bemba avait alors accepté d'envoyer des soldats pour venir en aide au président centrafricain Ange-Félix Patassé, menacé par les miliciens de François Bozizé. La CPI accuse Bemba d'avoir commandé ses troupes à distance et même de s'être rendu sur place, ce qui nie l'accusé. Pour Jean-Pierre Bemba, ses soldats étaient "prêtés" au président Patassé et donc sous commandement centrafricain.

Suspendu depuis le 10 décembre dernier, le procès a été reporté plusieurs fois en raison des difficultés rencontrés par le procureur de la CPI, à faire venir les témoins à la barre. Une trentaine de témoins ont pourtant été auditionnés par le procureur, mais la CPI n'a toujours pas bouclé la présentation des preuves. Le procureur Moreno Ocampo veut encore entendre 4 témoins importants. Des témoins-clés de l'affaire, puisqu'il s'agit d'anciens alliés de Jean-Pierre Bemba qui pourraient sans doute éclairer la Cour sur les contacts qui pouvait avoir le leader du MLC avec ses troupes en Centrafrique. Seul problème : ces témoins refuseraient de se rendre à la barre et la CPI ne dispose pas de moyens suffisants pour les y contraindre. Une épreuve de plus pour le procureur de la CPI qui essuie depuis plusieurs mois un flot de critiques.

Un procès politique ?

Depuis l'arrestation de Jean-Pierre Bemba, en mai 2008, la CPI peine à convaincre dans ce dossier. Car s'il apparaît évident que les soldats du MLC ont bien commis des atrocités (viols, pillages, meurtres) en Centrafrique, la responsabilité de Jean-Pierre Bemba semble moins claire. Pour les soutiens du patron du MLC, il s'agit ni plus ni moins d'un procès politique : Jean-Pierre Bemba ayant été écarté de la scène politique congolaise pour laissé le champ libre au président Joseph Kabila en 2011.

La défense de Jean-Pierre Bemba soulève plusieurs interrogations :
- pourquoi avoir attendu de 2003 à 2008 pour arrêter Jean-Pierre Bemba ? Candidat à l'élection présidentielle de 2006, Jean-Pierre Bemba a pu se présenter sans être inquiété. Et ses avocats de poser cette autre question : "Jean-Pierre Bemba aurait-il été arrêté s'il avait été élu président de la République ?
- il y a ensuite l'absence sur le banc des accusés du principal intéressé : Ange-Félix Patassé (décédé depuis), le président centrafricain. Patassé était sur place avec les hommes de Bemba et l'armée centrafricaine. Les avocats de Bemba estiment que leur client n'a aucune responsabilité dans les meurtres, les viols et les pillages commis par les soldats du MLC en Centrafrique. Jean-Pierre Bemba déclare être resté dans son fief congolais de Gbadolite ou en Afrique du Sud en train de négocier les accords de paix de Sun City.

Pour bon nombre d'observateurs, les charges contre Bemba "ne tiennent pas debout" et les nombreux reports du procès en sont la preuve. Selon la journaliste Colette Braeckman, spécialiste de la région, "l'affaire n'est pas claire et risque de jeter le discrédit sur la CPI qui n'est pas très objective avec Jean-Pierre Bemba". Pour le procureur Moreno Ocampo, le défi est de taille : éviter l'enlisement et l'impasse. Le procès Bemba constitue un test décisif pour la future crédibilité  de la Cour pénale internationale, souvent accusée d'être partiale et de faire le jeu des puissants.

Christophe RIGAUD

Photo : Jean-Pierre Bemba en 2006 à Kinshasa (c) Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com

25 janvier 2012

RDC : 85% des malades du Sida privés de traitement

Dans un communiqué, Médecins Sans Frontières (MSF) s’alarme de la situation des personnes vivant avec le VIH/SIDA en République démocratique du Congo (RDC) et déplore le manque de priorités données par les autorités congolaises. MSF dénonce aussi le désengagement des bailleurs de fonds, alors que le Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme fêtera ses 10 ans d’existence ce 28 janvier.

-1.jpgLes conditions d’accès aux soins des personnes vivant avec le VIH/SIDA en RDC sont catastrophiques. Au Centre Hospitalier de Kabinda (CHK) à Kinshasa, MSF voit arriver un nombre bien trop élevé de malades avec des complications graves, dues à l’absence de traitement, et dont la condition trop avancée entraîne des souffrances inacceptables.

 « J’ai travaillé dans de nombreux pays d’Afrique centrale et australe auprès de patients séropositifs, mais ce que je vois ici en RDC n’existe plus ailleurs depuis plusieurs années », affirme Anja De Weggheleire, coordinatrice médicale de MSF en RDC. « La situation de la RDC me rappelle l’époque à laquelle aucun traitement ARV n’était encore disponible. Nos médecins sont confrontés quotidiennement à de graves complications qui seraient facilement évitables avec une mise sous ARV précoce des patients ».

 On estime actuellement à plus d’un million le nombre de séropositifs en RDC et à 350 000 le nombre de personnes qui devraient bénéficier d’un traitement antirétroviral. Or seuls 44 000 patients sont effectivement sous traitement. Cela représente un taux de couverture en antirétroviraux (ARV) de moins de 15%, soit l’un des plus bas au monde (tout comme la Somalie et le Soudan pour le continent africain). La situation est critique également en terme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant

(PTME) : seul 1% des femmes enceintes estimées séropositives a accès aux traitements PTME. Or sans traitement, environ un tiers des enfants exposés naît avec le VIH.

En dépit de ces indicateurs catastrophiques, la RDC ne bénéficie pas du degré de priorité qui devrait être le sien auprès des bailleurs de fonds. Pire encore, certains se retirent ou diminuent sensiblement leurs subventions, comme le Fonds Mondial. En effet, alors que ce dernier est le principal pourvoyeur d’ARV en RDC, les Etats qui le financent n’ont pas tenu leurs promesses, obligeant l’institution à revoir ses ambitions à la baisse.

 Or le désengagement des bailleurs met directement en danger la vie de milliers de personnes en RDC. Anja De Weggheleire tire la sonnette d’alarme : « si rien n’est fait, il est fort probable que les 15 000 personnes inscrites actuellement sur une liste d’attente et identifiées comme personnes ayant besoin d’ARV de manière urgente seront mortes d’ici trois ans. Et ce chiffre, aussi effrayant soit-il, ne représente que le haut de l’iceberg quand on sait que la plupart des personnes vivant avec le VIH/SIDA en RDC ne connaissent pas leur statut sérologique. Beaucoup mourront dans le silence et dans l’oubli.»

 Il est crucial que les autorités congolaises respectent l’engagement qu’elles ont pris pour assurer gratuitement les services de prévention et de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA. Il est tout aussi urgent que les bailleurs de fonds mobilisent d’urgence des moyens nécessaires afin d’assurer que les patients en attente d’ARV ne soient pas condamnés.

 MSF est présente depuis plus de 30 ans en RDC et y mène des programmes contre le VIH/SIDA depuis 1996.

 MSF a notamment été la première organisation à mettre des patients gratuitement sous ARV en RDC, en octobre 2003. Par ses programmes d’appui aux soins de santé et à travers son projet SIDA à Kinshasa, MSF prend plus de 5 000 patients en charge dans 6 provinces, soit plus de 10% du nombre de personnes mises sous ARV en RDC. A Kinshasa, MSF prend en charge 20% du nombre total de patients actuellement sous ARV dans la capitale congolaise.

MSF lance ce jour une campagne de communication et de plaidoyer qui s’étalera sur toute l’année 2012 afin d’alerter l’opinion publique sur la situation gravissime des personnes vivant avec le VIH/SIDA en RDC et d’inciter les acteurs à se mobiliser pour étendre la couverture ARV.

23 janvier 2012

RDC : l'ARP de Munene attend son heure

Alors que la République démocratique du Congo (RDC) s'enfonce dans une crise politique et institutionnelle profonde, après la réélection contestée de Joseph Kabila, le mouvement de résistance du général Faustin Munene s'active. Afrikarabia a rencontré le porte-parole de l'Armée de Résistance Populaire (ARP), Jean Kalama Ilunga, qui confirme qui les militaires qui ont rejoint le mouvement "attendent le moment fatidique pour agir". Jean Kalama nie toute présence du général Munene à Paris et les rumeurs autour de son état de santé.

Jean Kalama.jpg- Afrikarabia : La réélection de Joseph Kabila, fin 2011, a été très controversée. Les observateurs étrangers ont tous relevé de nombreuses irrégularités et de forts soupçons de fraude massive. Comment se positionne l'ARP après ce scrutin ?

- Jean Kalama Ilunga :  Dès novembre 2010 nous avions rejeté la tenue de ces élections. Nous pensions déjà à l'époque qu'il y avait des éléments de tricheries qui allaient être mis en place. Il n' y avait pas de recensement depuis 1984, on ne savait donc pas qui pourrait voter et sur quelle base se déroulerait le scrutin ? Autre élément : comment organiser dans une dictature des élections libres et transparentes ? Toutes les institutions sont au service d'un seul homme (Joseph Kabila, ndlr) : la justice, l'économie, la Banque centrale, les médias, le parlement, le sénat… Nous avons donc, en amont du scrutin, rejeté l'organisation des élections et les résultats qui en découleront. Pour nous, Joseph Kabila n'a pas de légitimité à la tête de l'Etat. Nos revendications sont donc les mêmes, avant qu'après les élections : Joseph Kabila doit partir ! Et aujourd'hui, il n' y a que la résistance qui puisse faire changer les choses.

- Afrikarabia : La Cour suprême de justice a tout de même validé l'élection présidentielle et la Communauté internationale, pourtant très critique sur les nombreuses irrégularités du scrutin, a laissé faire ?

- Jean Kalama Ilunga : Cette Cour suprême n'a aucune légitimité. Ce sont des juges complètement "caporalisés". D'ailleurs, ces juges ont été changés juste avant les élections par Joseph Kabila lui-même. Quand nous prendrons le pouvoir, ces gens qui se disent de la Cour suprême seront arrêtés pour "faux et usage de faux". Ils ont "tricotés" les donnés pour valider de faux résultats.

- Afrikarabia : Que propose l'ARP pour sortir de cette crise politique et de ce blocage institutionnel ?

- Jean Kalama Ilunga : Nous ne sommes pas étonnés que le pays en soit arrivé là. Nous le disons depuis très longtemps. Nous sommes arrivés au bout du système. Ceux qui sont au pouvoir sont des tricheurs, ils utilisent l'argent public pour corrompre, alors que les policiers, les militaires, les fonctionnaires ne sont pas payés et que les Congolais manquent de tout. Nous, nous sommes prêt à protéger les population, avec les mêmes moyens. Ce que nous proposons, ce n'est pas la "troisième voix", c'est la résistance. Nous sommes déjà organisés politiquement, nous avons prévu un gouvernement intérimaire. Nous voulons mettre en place des institutions fortes, pas des hommes forts.

- Afrikarabia : Peut-il y avoir un changement de régime pacifique ? Car pour l'instant Joseph Kabila est encore au pouvoir ?

- Jean Kalama Ilunga : C'est Joseph Kabila qui apporte la guerre. C'est lui qui se maintien au pouvoir en prenant l'armée en otage, avec l'aide de mercenaires. Et l'ARP veut créer un rapport de force avec le pouvoir en place. Nous travaillons pour que ce rapport de force puisse basculer.

- Afrikarabia : Pour créer un rapport de force, celui veut dire qu'en face des troupes de Joseph Kabila, il faut qu'il y ait des soldats, des hommes en armes ?

- Jean Kalama Ilunga : Bien sûr… ce n'est pas exclu. Il y a de nombreux militaires de l'armée congolaise (FARDC, ndlr) qui sont d'accord avec nous. Sinon, pourquoi Joseph Kabila a embauché tous ces mercenaires ? Pourquoi a-t-il a désarmé le camp Kokolo à Kinshasa ?

- Afrikarabia : Qui compose l'ARP ? Ce sont tous d'anciens militaires ?

- Jean Kalama Ilunga : Non. Il y a d'anciens militaires, bien sûr, qui ont rejoint l'ARP. Mais, je ne peux pas vous cacher qu'il y a aussi des militaires qui sont encore dans l'armée aujourd'hui et qui sont avec nous. Ces militaires attendent le moment fatidique pour agir.

- Afrikarabia : Qu'est-ce qui pourrait déclencher ce type d'action miltaire ?

- Jean Kalama Ilunga : Je ne peux pas le vous dire… (rires). Ce moment arrivera, mais je ne peux pas vous dire où, quand, comment et l'heure.. C'est confidentiel et nous sommes en train d'y travailler.

- Afrikarabia : Si la première partie de votre action est militaire, la seconde partie est politique ?

- Jean Kalama Ilunga : Oui, tout doit se terminer par la politique. Même si aujourd'hui on travaille sur la partie militaire, la politique est très importante puisque c'est la politique qui doit encadrer le militaire. C'est la politique qui devra créer la nouvelle armée du Congo.

- Afrikarabia : Quand on pense à une action militaire qui serait l'élément "déclencheur" d'un changement de régime, on pense à l'attaque de la résidence du président Kabila en février 2011, qui a tourné court. Certain ont attribué l'attaque à l'ARP du général Munene ?

- Jean Kalama Ilunga : Il y a des choses que je ne peux pas dire… Quand on parle de forces de la résistance, on parle de tous les Congolais. Après ces actions, l'état d'esprit des Congolais a changé, les gens se sont réveillés. A l'extérieur avec les actions de la diaspora et maintenant à l'intérieur. Aujourd'hui, la résistance est à l'intérieur du Congo.

- Afrikarabia : La différence entre votre mouvement et d'autres mouvement d'opposition, c'est le poids militaire que peut représenter le général Faustin Munene ?

- Jean Kalama Ilunga : Tout à fait, mais quand je parle, moi, je parle politique.

- Afrikarabia : Quelles sont justement vos liens avec les partis politiques d'opposition comme l'UDPS ?

- Jean Kalama Ilunga : L'opposition a fait son choix en acceptant de participer à ces élections. Nous, nous avons rejeté la tenue même des élections. Pour nous, ces élections n'ont pas existé. Nous avions donc deux projets très différents.

- Afrikarabia : Il n'y a donc pas de discussion avec Etienne Tshisekedi ?

- Jean Kalama Ilunga : Non non, nous ne sommes pas sur cette logique là ! Il faut dépasser le problème d'individu. Nous devons avoir des institutions fortes et non des hommes forts. On sait qu'avec des hommes forts, cela se termine toujours de la même façon : de la politique tribale.. ma tribu d'abord !

- Afrikarabia : Quelles sont les qualités du général Munene ?

- Jean Kalama Ilunga : C'est d'abord quelqu'un qui a été Chef d'Etat major général. Sous Laurent-Désiré Kabila, il a été vice-ministre chargé de la sécurité. Il avait donc la confiance total du Mzee Laurent-Désiré. Il a créé la police, qui n'existait pas sous Mobutu et il a installé une certaine sécurité que la population a reconnu. Il y avait de la discipline et ça, c'est l'oeuvre de Munene. Il est très écouté par les jeunes policiers, les militaires, les officiers. Nous leur demandons d'ailleurs de ne pas se signaler, mais nous savons qu'ils sont avec nous.

- Afrikarabia : Certains sites internet ont annoncé la présence du général Munene à Paris et d'autres médias comme Jeune Afrique disaient le général "mal en point" ?

- Jean Kalama Ilunga : Faustin Munene n'est pas à Paris et il n'est pas malade.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Jean Kalama Ilunga à Paris en janvier 2012 © Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com