Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10 août 2013

RDC : Des concertations... et un nouveau gouvernement

Les "concertations nationales" voulues par Joseph Kabila doivent s'ouvrir la semaine prochaine à Kinshasa. Objectifs du président congolais : apaiser le climat politique après les élections contestées de 2011 et mettre un terme au conflit à l'Est du pays. Un nouveau gouvernement devrait voir le jour à l'issu des concertations… ce qui pourrait séduire certains membres de l'opposition.

Palais du peuple 2 effet.jpgLe mouvement s'accélère à Kinshasa. Annoncées début 2013 par Joseph Kabila, les concertations nationales débuteront la semaine prochaine en République démocratique du Congo, selon le président du Sénat, Léon Kengo sur Radio Okapi. Ces concertations doivent réunir l'ensemble des institutions publiques, des partis politiques, des autorités coutumières et de la société civile… pour "dialoguer", "débattre" afin "de consolider la cohésion nationale et renforcer l'autorité de l'Etat". Il faut dire que depuis la réélection contestée de Joseph Kabila en novembre 2011, le retour de la guerre à l'Est de la RDC et les multiples pressions internationales, le climat politique devenait difficilement tenable pour le fragile régime de Joseph Kabila.

Ouverture politique

L'ouverture des concertations donne le coup d'envoi à une opération de séduction et de reconquête de Joseph Kabila. Objectif affiché : ouvrir sa majorité à de nouveaux "partenaires" politiques en vue de consolider sa présidence et pourquoi pas… de se représenter aux élections de 2016. L'opposition congolaise a bien flairé la manoeuvre politique et a refusé en bloc toute participation aux concertations. MLC, UDPS et UNC ont tous décliné l'offre de Joseph Kabila. Certains de ces partis, comme l'UNC, ont tout de même conditionné leur présence. Vital Kamerhe souhaite que la majorité s'engage à ne pas modifier la constitution qui limite le nombre des mandats du président de la République. Un sujet hautement sensible lorsque l'on sait que les rumeurs vont bon train sur la volonté de Joseph Kabila de se représenter pour un troisième mandat. Certains partis veulent également revenir sur la "légitimité" de Joseph Kabila et sa réélection "douteuse", alors que d'autres exigent une médiation africaine ou onusienne.

Un pas vers l'opposition

Sur tous ces différents entre majorité et opposition, un certain flou règne encore. Léon Kengo affirme sur Radio Okapi que "toutes les conditions soulevées, nous les avons rencontrées pour que ces concertations se déroulent dans un climat apaisé". En clair : des efforts ont été faits côté gouvernemental. Le président du Sénat s'est également rendu à Brazzaville pour s'assurer de la coopération de Denis Sassou Nguesso pour "accompagner" le processus. Un bon point pour les organisateurs des concertations puisque le président du Congo-Brazzaville semble faire l'unanimité dans l'opposition pour jouer les bons offices. Quant aux autres points de friction, ils sont toujours en discussion entre le présidium des concertations et l'opposition politique. La plus ou moins grande participation de l'opposition constitue bien entendu la condition sine qua non à la réussite des concertations nationales. Une absence des principaux opposants serait un échec pour Joseph Kabila et transformerait son "dialogue national" en congrès de la majorité présidentielle… du plus mauvais effet aux yeux de la communauté internationale.

Un nouveau gouvernement pour une "nouvelle majorité"

Signe des difficultés pour réunir l'opposition autour de la table, Léon Kengo a dû sortir prématurément un des atouts phares de Joseph Kabila : le remaniement gouvernemental. Un nouveau gouvernement sera donc issu des concertations, avec une équipe "représentative" composée de la "nouvelle majorité" avec "l'actuelle majorité, l'opposition et la société civile". A bon entendeur… la course est donc ouverte pour le poste de Premier ministre et des portefeuilles toujours très convoités. Ce remaniement constitue clairement un appel du pied à tous les leaders de l'opposition qui serait intéressés par la fonction… et on peut supposer qu'ils seront très nombreux.

Christophe RIGAUD - Afrikarabia

Photo : Palais du peuple Kinshasa © www.afrikarabia.com

05 août 2013

RDC : L'appel des 52 pour un TPI au Congo

52 personnalités féminines viennent de signer un appel demandant la création d'un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo. Ce Tribunal est présenté comme "une solution incontournable pour la paix et la justice dans la région des Grands Lacs". Parmi les signataires on retrouve Françoise Héritier, Rama Yade, Roselyne Bachelot, Ingrid Betancourt ou Gisèle Halimi.

Capture d’écran 2013-08-05 à 13.05.41.png52 marraines ont signé une déclaration "sur les viols comme arme de guerre et l'instauration d'un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo". Selon Maître Hamuly Réty, l'un des Congolais à l'initiative de cet appel, "la création du Tribunal pénal international pour la RDC est l'un des facteurs crédibles de paix dans la région". Cette initiative est soutenue par le Réseau des Ong des droits de l'Homme en RDC (RENADHOC) ainsi que par le docteur Denis Mukwege. Nous publions ici le texte intégral de cet appel :

"- A M. François HOLLANDE, président de la République française
- A M. Barack OBAMA, président des États-Unis d'Amérique
- Au Conseil de sécurité des Nation unies (présidence en exercice)
- A M. BAN-KI-MOON, secrétaire général des Nations unies
- A M. VAN RUMPOY, président de l'Union européenne
- A Mme Nkosazana DLAMINI-ZUMA, présidente de la commission de l'Union africaine
- A M. ABDOU DIOUF, secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie
- A Mme ROBINSON, envoyée spéciale des Nations unie dans la région des Grands lacs

Mesdames, Messieurs,

D'indescriptibles horreurs, répertoriées dans le rapport dit « mapping » des Nations unies, se déroulent sans désemparer, à l'est de la République Démocratique du Congo depuis 1994.

Marraines de cet appel, nous ne pouvons penser aux maux que souffrent les femmes à l'est de ce pays sans avoir le cœur pénétré de la plus vive douleur, en nous représentant nos semblables, unies à nous par le triple lien d'humanité, des droits et de la francophonie, être traitées plus durement que ne le sont les bêtes de somme ;

Nous ne pouvons nous persuader qu'on puisse sans se gêner, faire usage de ressources stratégiques de la République Démocratique du Congo, si l'on faisait réflexion qu'elles ont été arrosées du sang et de la dignité de nos semblables, traitées comme si elles étaient quelque « chose » qui ressemble à des humains ;

Craignons avec raison que les générations futures, plus éclairées et plus philosophes, n'accusent les Français, les Européens et les Américains de ce siécle, d'avoir été complices de barbarie, ce qui contraste avec les valeurs universelles sur lesquelles nous avons voulu fonder notre humanité.

Notre conscience nous dicte par conséquent
De supplier toute conscience humaine, qui réprouve le traitement que subissent ces femmes du Congo, leurs familles et leur peuple, de signer cet appel en cliquant sur ce lien, pour que, de ces victimes, soient restaurés les droits à la vie, à la dignité et à la justice, et que, de leurs bourreaux, soit mis fin à l'impunité et les sanctionner de la manière la plus exemplaire mais aussi, de la manière aussi juste qu'équitable.

Au moment où le Conseil de sécurité ferme les portes du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et celui d'exYougoslavie (TPIY), qui ont considéré dans la jurisprudence Akayezu, ce type de viol, arme de guerre comme constitutif de crime contre l'humanité ou de génocide,

nous demandons:
1) au Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi qu'au secrétaire général, M. Ban Ki-moon, de mettre en place, sans atermoiement, un Tribunal pénal international pour la ROC, chargé de poursuivre tous les crimes répertoriés dans le « rapport mapping » des Nations unies, en succession du TPIR à Arusha en République unies de Tanzanie.

2) à M. le président Obama, d'honorer son « prix Nobel » en adoptant dans la région, une politique qui prend en compte la dignité et l'humanité de ces femmes,

3) à M. le secrétaire général Abdou Diouf, d'actionner les valeurs de la francophonie que nous avons en partage pour que dans toutes les instances, les francophones défendent en bloc ces victimes en soutenant le présent appel,

4) à Mme la présidente Zuma, de puiser dans la sagesse et l'humanisme africains, la force nécessaire pour condamner et faire condamner l'humiliation et la douleur infligée à ces femmes de l'est du Congo et d'appuyer fortement cette exigence de justice au Conseil de sécurité.

5) à M. le président Van Rumpoy, de recentrer la diplomatie européenne sur les valeurs qui fondent l'Europe - convaincre les États membres de s'abstenir de tout soutien sous quelque forme que ce soit, visant à couvrir ou garantir l'impunité aux bourreaux - et d'inviter les États membres à soutenir le présent appel.

6) à Mme Robinson et M. Ban Ki-moon, d'inscrire parmi les pistes prioritaires de recherche de solution de paix durable dans la région, la succession du TPIR / Arusha par le TPI pour la ROC.

7) aux dirigeantes et dirigeants du monde, quels que soient leur pays et l'institution qu'ils servent, d'arrêter tout encouragement et supprimer tous les avantages, privilèges et immunités consentis aux bourreaux.

8) à M. le président Hollande ainsi qu'aux chefs des États membres du Conseil de sécurité des Nations unies, d'instruire leurs ambassadeurs siégeant au Conseil de sécurité, de porter à l'ordre du jour et de rappeler, semaine après semaine, la question de l'instauration d'un Tribunal pénal international pour la ROC en succession du TPIR/Arusha.

Ne pas le faire, serait une discrimination à l'égard de la femme congolaise, un déni de justice internationale ainsi qu'un encouragement à commettre le «gynocide » ou « fémicide». Car en effet, après publication du «rapport mapping» et la multitude de rapports sur la situation de ces femmes, nul n'est plus fondé à prétendre n'avoir rien vu, rien su, ni rien entendu".

Parmi les signataires : François Héritier, professeure d'Anthropologie émérite au Collège de France, Mireille Delmas-Marty, professeure émérite de Droit au Collège de France, Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite de Droit à l'université Paris Diderot, Gisèle Halimi, avocate, Rama Yade, ancienne ministre, Roselyne Bachelot, ancienne ministre, Ingrid Betancourt, femme politique, François Gaspard, femme politique, Geneviève Fraisse, philosophe, Susan Georges, présidente d'honneur d'Attac… la liste complète des signataires est à consulter ici.