03 juin 2012
RDC : "Hollande ne doit pas aller à Kinshasa" selon l'opposition à Paris
Une centaine d'opposants congolais ont manifesté samedi 2 juin devant le siège de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à Paris contre la tenue du 14ème Sommet de la Francophonie à Kinshasa. L'Apareco qui organisait le sit-in, a demandé à François Hollande "de ne pas se rendre à Kinshasa" et promet des manifestions dans la capitale congolaise pendant le Sommet. "Kabila dégage ! Ingeta (c'est d'accord)", "Hollande tiens tes promesses !" tels étaient les slogans scandés ce samedi devant le siège parisien de l'Organisation Internationale de la Francophonie. La manifestation était organisée par l'Apareco, d'Honoré Ngbanda, l'ancien conseiller sécurité de Mobutu et par le Mouvement des Patriotes Résistants Combattants de la diaspora congolaise. Dans la foule, des sympathisants de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi, du MLC de Jean-PIerre Bemba ou du RCK.
A moins de 5 mois du 14ème Sommet de la Francophonie de Kinshasa, les manifestants souhaitaient se rappeler au bon souvenir du nouveau président français, François Hollande. Pendant la campagne, le député de Corrèze avait suscité un réel espoir chez les opposants au président congolais Joseph Kabila. François Hollande avait annoncé "une rupture (…) nécessaire par rapport à des usages qui n'ont rien d'acceptable ni de légaux" et estimait que "sur les régimes eux-mêmes, les règles doivent être celles de la démocratie". Et pour l'opposition congolaise, "la démocratie n'est pas respectée en RDC".Après un épisode électoral entaché de nombreuses irrégularités et "peu crédible, suite à des fraudes massives et des cas de violences et d'assassinats", l'Apareco estime "ne pas comprendre que les mêmes chefs d’États et de gouvernement qui avaient tous boycotter la cérémonie d’investiture de Joseph Kabila le 20 décembre 2011", participent à ce sommet. Les manifestants ont donc clairement demandé à François Hollande de renoncer à se rendre à Kinshasa afin de ne pas "cautionner" le pouvoir en place qu'ils jugent "illégitime". Pour l'opposition, c'est en effet le leader de l'UDPS Etienne Tshisekedi (dont le portrait était largement brandi à Paris), qui aurait remporté les élections.
Pour l'instant, Paris et Kinshasa maintiennent les préparatifs du Sommet, prévu en octobre prochain dans la capitale congolaise. L'ambassadeur de France en RDC, Luc Hallade, a même estimé sur RFI "qu'il n'y a pas de mise en cause à ce stade, de quelque participation que ce soit"… d'où la colère des manifestants congolais. "Hollande nous a trahi, nous avons voté pour lui et il va serré la main de Kabila, c'est une honte !" nous explique un manifestant désabusé, qui ne croit guère au boycott de Hollande.
La conseillère spéciale de président de l'Apareco, Candide Okeke, s'est longuement entretenue avec les conseillers d'Abdou Diouf, le patron de l'Organisation Internationale de la Francophonie. Et elle prévient : "si rien n'est fait, les 12, 13 et 14 octobre, nous manifesteront dans les rues de Kinshasa. La dernière fois que la population est sortie dans la rue, elle a été accueillie par des chars. On verra bien ce que fera Kabila". Reste à savoir si l'UDPS, le principal parti d'opposition à Kinshasa, appellera les Kinois à descendre dans la rue.
Christophe RIGAUD
Regardez les interviews accordées à Afrikarabia par Rolain Ména, président Europe de l'Apareco et Candide Okeke, directrice de cabinet du président de l'Apareco.
RDC : Manifestation contre le Sommet de la... par ChristopheRigaud
21:46 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (4)
01 juin 2012
Rwanda : Des missiles français auraient pu abattre l’avion du président Habyarimana
Selon un document de l’ONU de 1994 révélé par le quotidien français Libération, les Forces armées rwandaises disposaient de quinze missiles Mistral, une arme récente et de haute technologie alors interdite d’exportation.Le 6 avril 1994, le Falcon 50 du président du Rwanda Juvénal Habyarimana était abattu par deux missiles alors qu’il venait de se résigner à partager le pouvoir avec la rébellion majoritairement tutsie du Front patriotique rwandais (FPR) et l’opposition hutue démocratique. L’attentat devait donner le signal du génocide, les extrémistes hutus pointant du doigt successivement les Casques bleus belges de la Mission des Nations unies pour le Rwanda (MINUAR), qui gardaient l’aéroport, puis les Hutus de l’opposition et les Tutsis dans leur ensemble. Le génocide des Tutsis et le massacre politique des hutus démocrates allaient faire en cent jours environ un million de morts, jusqu’à la prise du pouvoir par le FPR.
Avant même l’attentat, une série de manipulations visaient à en attribuer la paternité au Front patriotique rwandais, comme relaté dans l’ouvrage « L’Agenda du génocide »*. Par la suite, un certain nombre de militaires et de politiciens français ont tenté d’accréditer les thèses répétées par les extrémistes hutus poursuivis devant le tribunal pénal international d’Arusha : pour les uns et les autres, le Front patriotique était forcément l’auteur de l’attentat, car il aurait introduit un commando derrière les lignes des FAR sur la colline de Masaka, à 3 km environ de l’aéroport. D’ailleurs deux lance-missiles de type soviétique SAM 16 avaient été mystérieusement « retrouvés » par des « paysans » deux semaines après l’attentat. Et justement sur cette colline qui aurait pu constituer, il est vrai, le meilleur emplacement de tir.
Les Services spéciaux français se sont adjoint un nombre impressionnant de faux témoins rwandais, de journalistes « africanistes » français et d’universitaires de renom (Français ou Belge), pour accréditer cette thèse et manipuler l’enquête confiée au juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière. Non sans avoir convaincu ce dernier que sa vie serait en danger s’il lui prenait la mauvaise idée d’aller enquêter sur le terrain.
L’enquête reprise par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux a conduit précisément à faire effectuer cette enquête balistique et technique sur le terrain. En janvier 2012, les conclusions des experts ont éclaté comme un coup de tonnerre : les missiles ont été tirés depuis le camp Kanombe, tenu par les éléments les plus durs des FAR : le bataillon anti-aérien, la Garde Présidentielle, les para-commandos. La thèse défendue par les détenus d’Arusha (la prison des Nations Unies) et leurs amis français s’effondrait.
Le Services spéciaux ont aussitôt mobilisé leurs « idiots utiles » pour répéter dans les médias français que le FPR avait « forcément » introduit un commando de tireurs de missiles au cœur du camp militaire de ses adversaires, avant de s’éclipser aussi discrètement. Le ridicule le disputant au deshonneur, la désinformation a fait long feu.
Le quotidien français Libération révèle aujourd’hui 1er juin un document troublant des Nations unies : les Casques bleus de la MINUAR, qui avaient fait consigner les armes lourdes dans les camps militaires du Rwanda en 1994, effectuaient des inspections régulières. L’une de leurs sections aurait ainsi identifié le 6 avril au matin dans le stock du camp militaire Kanombe un nombre indéterminé de missiles soviétiques SAM 7 et surtout 15 missiles Mistral, un bijou de technologie française que l’armée française venait tout juste de recevoir en dotation et qui a été interdit d’exportation jusqu’en 1996.
Rien ne permet de dire que ce sont des missiles Mistral qui ont abattu l’avion d’Habyarimana, mais cette possibilité ne peut plus être exclue. Dans ce cas, il est utile de noter que seuls les militaires français savaient s’en servir.
En toute hypothèse, ce document, retrouvé par hasard (?) est déjà remis au juge Trévidic qui devra l’authentifier. Il ne peut qui ruiner plus encore la thèse de ceux qui affirment que les FAR ne disposaient pas de missiles et ne pouvaient donc aucunement avoir commis l’attentat, prétexte au génocide des Tutsi.
Jean-François DUPAQUIER
* L’Agenda du génocide, le témoignage de Richard Mugenzi, ex-espion rwandais, Ed. Karthala, Paris.
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31 mai 2012
RDC : Manifestation à Paris contre le sommet de la Francophonie
L'opposition congolaise manifestera samedi 2 juin à Paris contre la tenue du prochain sommet de la Francophonie organisé en République démocratique du Congo (RDC). L'Apareco et le mouvement des Patriotes Résistants Combattants demandent à l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) de "renoncer au maintien du sommet à Kinshasa dans le contexte actuel". L'opposition dénonce "les fraudes massives", "les violences et les assassinats" durant les dernières élections de novembre 2011.La diaspora congolaise, opposée au régime de Kinshasa, manifestera ce samedi devant le siège de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à Paris. Les organisateurs de ce sit-in, l'Apareco (d'Honoré Ngbanda) et la mouvance Patriotes Résistants Combattants, souhaitent protester contre "le projet indécent et scandaleux de la tenue du prochain Sommet de la Francophonie" en République démocratique du Congo du 12 au 14 octobre 2012 à Kinshasa.
L'opposition dénonce le climat politique délétère qui règne à Kinshasa, après un scrutin électoral "chaotique" et "peu crédible suite à des fraudes massives, des cas de violences et d'assassinats". L'Apareco estime "ne pas comprendre que les mêmes chefs d’États et de gouvernement qui avaient tous boycotter la cérémonie d’investiture de Joseph Kabila le 20 décembre 2011", participent à ce sommet. Les manifestants demanderont donc à l'OIF à "renoncer au maintien de ce sommet (…)et appelle le chef de l’État français, François Hollande, à faire preuve de fermeté en ne cédant pas au gouvernement d’occupation présidé par Joseph Kabila".
Pour l'heure, Kinshasa continue activement les préparations du sommet en collaboration avec l'Organisation Internationale de la Francophonie. Du côté de l'Elysée, rien n'a encore filtré sur la présence ou non de François Hollande dans la capitale congolaise. L'ambassadeur de France en RDC, Luc Hallade, estime sur RFI "qu'il n'y a pas de mise en cause à ce stade, de quelque participation que ce soit". L'ambassadeur a consulté le cabinet du président français qui lui a répondu que "la ligne était la même que celle que je défends, c'est-à-dire de soutenir effectivement une participation au plus haut niveau, de notre Etat, comme des autres Etats".
Avec ou sans François Hollande, une chose est sûre, le sommet de Kinshasa sera sans doute la dernière "fenêtre de visibilité médiatique" de l'opposition congolaise pour faire pression sur le président Kabila.
Christophe RIGAUD
21:24 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (5)
28 mai 2012
RDC : Kamerhe à la conquête de l'opposition
C'est un secret de polichinelle. Vital Kamerhe se verrait bien endosser les habits de nouveau patron de l'opposition en République démocratique du Congo (RDC). Arrivé troisième à l'élection présidentielle contestée de novembre, juste derrière "l'opposant naturel" Etienne Tshisekedi, Vital Kamerhe affiche désormais son ambition de leadership sur l'opposition congolaise, avec nombreux atouts… mais aussi de sérieux handicaps.Dans une conférence donnée à Kinshasa les 23 et 24 mai dernier, Vital Kamerhe a défendu l'idée d'une opposition "solide" et "unie" après les défaites successives des dernières élections présidentielle et législatives de 2011. Le patron de l'UNC se pose en potentiel recours d'une opposition, qui n'a pas su s'unir avant le scrutin pour faire barrage au président Kabila et qui n'a pas su tirer profit des nombreuses irrégularités du vote pour imposer sa victoire ou faire une pression suffisante sur la communauté internationale.
Après ces élections "calamiteuses" selon l'opposition, Vital Kamerhe, est sans doute le seul candidat à sortir renforcer de ce long processus électoral. Le président Kabila, même réélu, a vu sa légitimité écornée, son pouvoir affaibli et sa réputation ternie par les nombreuses irrégularités du scrutin. L'opposant Etienne Tshisekedi, avec son très bon score (malgré les forts soupçons de fraudes massives) s'est enfermé dans une contestation stérile des résultats, sans aucune porte de sortie. L'opposant historique s'est isolé dans un irrédentisme politique basé uniquement sur la non-reconnaissance de la réélection de Joseph Kabila et sur l'exclusion des quelques voix dissonantes de son propre parti (notamment les députés UDPS qui ont accepté de siéger à l'Assemblée en dépit du boycott imposé par le parti).
Vital Kamerhe a donc gagné son pari : réussir sa mue politique et s'imposer comme l'un des 3 leaders de l'opposition, avec Etienne Tshisekedi et dans une moindre mesure, Léon Kengo. Le challenge était de taille : passer de la majorité "pro-Kabila" à l'opposition en moins de 2 ans et créer son propre parti politique. Car, avant d'être un opposant reconnu sur l'échiquier politique congolaise, Vital Kamerhe a passé la majorité de sa carrière politique dans le clan présidentiel, auprès de Joseph Kabila lui-même. Directeur de campagne du président en 2006, co-fondateur du parti majoritaire (PPRD) et président de l'Assemblée nationale jusqu'en 2009, Vital Kamerhe faisait partie du premier cercle des proches de Kabila, avant de démissionner brutalement. La cause du divorce : l'opération militaire conjointe avec le Rwanda dont il n'avait pas été informé. Depuis cette date, il s'est construit patiemment l'image d'un opposant modèle. Certains l'accusent de faire le "grand écart" et d'être passé un peu trop vite dans l'opposition. D'autres lui reprochent son ancienne proximité avec Joseph Kabila, avec qui, il n'aurait pas coupé complètement les ponts (ce qui reste à prouver).
Côté positif, Vital Kamerhe a démontré un dynamisme politique hors pair. En moins de 6 mois, il a en effet réussi le tour de force : de créer son propre parti (UNC), de se présenter à la présidentielle et d'arriver en troisième position (7,74%) et de faire élire 18 députés à ses couleurs à l'Assemblée (lors d'un scrutin plus que douteux). Kamerhe a donc gagné en légitimité et a surtout obtenu son "passeport d'opposant" aux yeux des Congolais. Avec la mise hors-jeu (provisoire ?) d'Etienne Tshisekedi, sa jeunesse, son charisme et son intelligence politique, Vital Kamerhe a également séduit les nombreux déçus de l'UDPS, venus gonfler les troupes de l'UNC.
Mais attention, le leader de l'UNC n'a pas que des atouts. Son passé "pro-Kabila" reste encore son principal handicap. Les nombreuses années passées aux côtés de l'actuel président lui collent à la peau et seul le temps pourra les atténuer. Pendant les élections, il a longtemps été accusé d'être "une taupe de Kabila" pour faire perdre Tshisekedi. Beaucoup n'ont pas vraiment compris son revirement à 180° de mars 2009 et sa démission du perchoir de l'Assemblée nationale. Officiellement Kamerhe n'avait pas apprécié, "l'affairisme" de la majorité, les contrats Chinois de 2007 et l'opération conjointe avec le Rwanda de 2009. De façon plus prosaïque, son ambition personnelle l'aurait emporté sur sa fidélité politique à Joseph Kabila. A 52 ans, Vital Kamerhe estimait sans doute que le seul moyen d'arriver à la magistrature suprême (une ambition clairement affichée) était de basculer dans le camp de l'opposition (encore embryonnaire à l'époque). Pour cela, il fallait rapidement franchir le rubicon et se positionner sur la ligne de départ de la présidentielle de novembre 2011. Avec pour objectif de gagner… peut-être en 2016.
Autre handicap, sa région d'origine. Né dans l'Est de la RDC, le kivutien cultive son encrage local depuis de nombreuses années. Il a d'ailleurs beaucoup contribué à la première élection de Joseph Kabila en 2006, qui a réalisé d'excellents scores dans les Kivu. En 2011, Kamerhe devra sa troisième place aux bons résultats obtenus à l'Est. Revers de la médaille, Vital Kamerhe peine à mobiliser dans les autres régions congolaises et notamment à l'Ouest. Il lui faudra donc trouver la "bonne équation régionale" dans son équipe pour pouvoir s'imposer en dehors de ses terres. En clair, il devra nouer de nombreuses alliances locales, comme il l'a fait avec Ne Muanda Nsemi (ex-Bundu Dia Kongo) dans la province du Bas-Congo. Ce qui nous amène à la dernière faiblesse de Vital Kamerhe : la structure très hétéroclite de son mouvement, composée, comme le disent certains observateurs, d'opportunistes et d'aventuriers politiques sans idéologies claires… dont le pouvoir constitue la seule ambition.
Reste que Vital Kamerhe possède actuellement une opportune fenêtre de tir pour s'imposer. La reprise du conflit à l'Est, ankylose quelque peu le pouvoir en place et l'UDPS peine à trouver la bonne stratégie, suspendue au mutisme de son leader.
Christophe RIGAUD
Photo : Affiche de propagande du candidat Vital Kamerhe lors de la présidentielle de novembre 2011.
17:24 Publié dans République démocratique du Congo | Lien permanent | Commentaires (7)